Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/10

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Anglais, et ces duels avaient lieu dans chaque rue ; diverses sectes et diverses prétentions particulières passèrent sans être punies et sans être aperçues, telles que la secte des Boaring Boys, des Bonaventors, des Bravadors, des Quarterors et plusieurs autres semblables, toutes composées de personnes prodigues qui, s’étant endettées, étaient contraintes de se jeter dans les factions pour échapper aux lois. Elles furent protégées par plusieurs nobles ; et les citoyens dissipant leurs biens dans le libertinage, il était probable que le nombre de ces gens ruinés augmenterait plutôt qu’il ne diminuerait. Sous ce prétexte, ils entraient dans plusieurs entreprises désespérées, ou faisaient quelque rare et audacieuse promenade dans la rue après neuf heures du soir[1] Plus loin, la même autorité nous assure que de vieux gentilshommes qui avaient laissé en bon état à leurs fils tout leur héritage qui leur avait autrefois suffi pour tenir bonne maison, en voyaient une partie dissipée dans la débauche et les excès, et l’autre en voie d’être entièrement perdue ; le saint état du mariage n’était plus qu’un jeu, dont plusieurs familles avaient été victimes ; les maisons de filles publiques étaient très-fréquentées, et même des personnes d’un haut rang se prostituaient pour satisfaire leur impudicité, et dissipaient leurs biens dans des plaisirs lascifs ; des chevaliers et des gentilshommes, que la vanité ou la prodigalité avait ruinés, rétablissaient leur fortune à la ville, et dans le but de perdre aussi leur vertu, ils vivaient de la manière la plus dissolue ; leurs femmes ou leurs filles quelquefois se prostituaient honteusement pour soutenir l’éclat de leur rang. Les cabarets à bière, les maisons de jeu, les tavernes et les lieux d’iniquité étaient multipliés partout.

Ce n’est pas seulement dans les pages d’un écrivain puritain ou peut-être satirique que nous trouvons une peinture si révoltante de la grossièreté des mœurs au commencement du dix-septième siècle. Au contraire, dans toutes les comédies du temps, le personnage distingué par la gaieté et l’esprit est toujours un jeune héritier qui a entièrement ruiné l’établissement que lui a laissé son père, et qui ressemble, pour me servir de la vieille comparaison, à une source qui dissipe dans l’oisiveté et l’extravagance la richesse que ses parents avaient avec soin amassée dans des réservoirs cachés.

  1. Histoire des quatorze premières années du règne du roi Jacques Ier. Voyez Sower’s tracts édités par Scott, vol. II, p. 266.