Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand seigneur pour le service duquel je dois me faire hypocrite ?

— Ha, ha ! monsieur Michel, vous voilà dans vos questions, » dit Foster avec un sourire forcé ; « et c’est comme cela que vous prétendez connaître mes affaires ? Que savez-vous s’il existe un pareil personnage au monde, et si je n’ai pas voulu vous faire un conte ?

— Toi, me faire un conte ! toi qui n’as pas plus de cervelle qu’une mouette cuite ! » repartit Lambourne sans perdre contenance. « Va, quelque impénétrable que tu te croies, je parierais voir au bout d’un jour aussi clair à travers tes affaires, comme tu les appelles, qu’à travers la corne sale d’une vieille lanterne d’écurie. »

À ce moment leur conversation fut interrompue par un cri perçant parti de la pièce voisine.

« Par la sainte croix d’Abingdon ! » s’écria Antony Foster, oubliant son protestantisme dans sa frayeur, « je suis un homme perdu ! »

En disant cela, il courut dans la chambre d’où était parti le cri ; Michel Lambourne l’y suivit. Mais pour expliquer ce cri inattendu, il est nécessaire de rétrograder un peu dans notre récit.

Nous avons dit plus haut que, lorsque Lambourne accompagna Foster dans la bibliothèque, ils laissèrent Tressilian dans l’ancien parloir. Son œil sévère les suivit jusque hors de la salle avec une expression de mépris dont il reporta sur-le-champ une partie sur lui-même, dans sa honte d’avoir pu rester un moment en pareille compagnie.

« Telle est Amy, » se disait-il en lui-même, « la compagnie à laquelle ta cruelle légèreté, ta perfidie injuste autant qu’irréfléchie, ont contraint de s’accoler un homme sur lequel ses amis fondaient de bien autres espérances ! un homme qui te méprise maintenant autant que devront le mépriser les autres pour l’avilissement où le fait descendre son amour pour toi ! Mais jamais je ne cesserai de te chercher, toi jadis l’objet de l’affection la plus pure et la plus dévouée, quoique désormais tu ne puisses plus être pour moi qu’un sujet de larmes… Je te sauverai de ton ravisseur et de toi-même… Je te rendrai à tes parents et à ton Dieu. Je ne puis faire que l’étoile brille de nouveau dans la sphère d’où elle a été enlevée ; mais… »

Un léger bruit qui se fit entendre dans l’appartement interrompit sa rêverie ; il regarda autour de lui, et dans la femme aussi belle que richement vêtue qui entrait en ce moment par une porte