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ordonna qu’on lui signifiât de se préparer à l’accompagner dans un voyage qu’il allait entreprendre immédiatement, ou à le suivre s’il ne revenait qu’après le départ de son maître.

En même temps, Varney employa le ministère d’un domestique, nommé Robin Tider, qui avait souvent accompagné le comte, et auquel les secrets de Cumnor-Place étaient déjà connus en partie. Ce fut à cet individu, dont le caractère ressemblait à celui de Lambourne, quoiqu’il ne fût ni aussi alerte ni tout-à-fait aussi débauché, que Varney ordonna de faire seller trois chevaux, de préparer une litière et de l’attendre à la poterne. Le prétexte assez naturel de l’aliénation de la dame, aliénation à laquelle on croyait alors généralement, justifiait assez bien le mystère avec lequel on l’enlevait du château, et il comptait sur cette excuse dans le cas où la résistance et les cris de la malheureuse Amy la rendraient nécessaire. Le concours d’Antony Foster lui était indispensable, et Varney courut s’en assurer.

Ce personnage, d’un caractère naturellement sombre et insociable, et d’ailleurs un peu fatigué d’être venu si rapidement de Cumnor dans le Warwickshire apporter la nouvelle de la fuite de la comtesse, s’était retiré de bonne heure de la foule des buveurs pour aller se coucher, et il dormait profondément lorsque Varney, tout équipé pour le voyage, une lanterne sourde à la main, entra dans son appartement. Ce dernier s’arrêta un instant pour écouter ce que son associé marmottait dans son sommeil, et il distingua clairement ces mots : « Ave Maria, ora pro nobis. Non, ce n’est pas ainsi : Délivrez-nous du mal : oui, c’est cela. «

« Il prie en dormant, dit Varney, et confond ses anciennes et ses nouvelles oraisons. Il aura encore plus besoin de prières avant que nous en ayons fini ensemble… Holà ! ho ! saint homme, bienheureux pénitent, réveillez-vous, réveillez-vous ! le diable ne vous a pas encore congédié de son service. »

Comme Varney, en parlant ainsi, avait saisi le dormeur par le bras, cette pression changea le cours de ses idées, et il s’écria : « Au voleur ! au voleur ! je mourrai en défendant mon or. Où est Jeannette ? Jeannette est-elle en sûreté ?

— Assez en sûreté, diable de braillard, dit Varney ; n’es-tu pas honteux de faire tant de bruit ? »

Foster était alors complètement réveillé ; et se mettant sur son séant, il demanda à Varney ce que signifiait une visite faite à une heure aussi indue. « Elle ne me présage rien de bon, ajouta-t-il.