Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/461

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À la fin cependant l’orgueilleux lord, comme un cerf aux abois, commença à témoigner que la patience lui échappait.

« Madame, dit-il, j’ai été fort à blâmer, bien plus peut-être même que votre juste ressentiment ne l’a exprimé ; cependant, madame, permettez-moi de dire que mon crime, s’il est impardonnable, ne fut pas sans provocation, et que si la beauté et la majesté peuvent égarer le faible cœur d’un mortel, elles doivent aussi me fournir une excuse pour avoir caché ce secret à Votre Majesté. »

La reine fut si frappée de cette réplique, que Leicester prononça de manière à n’être entendu que d’elle, qu’elle en resta muette un moment, et le comte eut la témérité de profiter de son avantage. « Votre Grâce, qui a tant pardonné, m’excusera de me livrer à la merci de sa clémence royale pour des expressions qui, hier matin, n’étaient regardées que comme une légère offense. »

La reine le regarda fixement en lui répondant : « De par le ciel, milord, tant d’effronterie passe les bornes de toute croyance comme de toute patience, mais cela ne te servira à rien. Venez, milords ! venez apprendre de belles nouvelles : le mariage clandestin de milord m’a coûté un mari, et à l’Angleterre un roi. Sa Seigneurie a quelque chose de patriarcal dans ses goûts ; une femme à la fois ne lui suffit pas, elle nous destinait l’honneur de sa main gauche… De par Dieu ! voilà qui est trop insolent ! N’ai-je pu l’honorer de quelque faveur de cour, sans qu’il ait osé penser que ma main et ma couronne étaient à sa disposition ! Vous autres, cependant, vous savez mieux me juger ; et je puis plaindre cet ambitieux, comme je plaindrais un enfant qui vient de voir s’évanouir entre ses mains sa bulle de savon. Nous passons dans la salle du trône, milord Leicester, et nous vous enjoignons de nous y suivre. »

Tout était attente et curiosité dans la salle. Mais quel fut l’étonnement universel, lorsque la reine dit aux personnes qui étaient près d’elle : « Les fêtes de Kenilworth ne sont pas encore terminées, milords et mesdames ; nous aurons à célébrer le mariage du noble propriétaire. »

Il y eut une expression générale de surprise.

« Le fait est vrai, sur notre parole royale, dit la reine ; il en avait gardé le secret même avec nous, afin de nous en faire la surprise dans ce lieu et en ce moment… Je lis dans vos regards votre désir de savoir quelle est l’heureuse épouse… C’est Amy Robsart, la même qui, pour compléter la fête, hier soir, a joué dans la mascarade le rôle de la femme de son serviteur Varney.