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fiance, il lui avait dérobé par vengeance la lettre qu’Amy lui avait confiée pour le comte de Leicester. Son dessein avait été de la lui rendre le soir même, se croyant sûr de le rencontrer, parce que Wayland devait remplir le rôle d’Arion dans la fête. À la vérité, il avait été un peu effrayé en voyant à qui la lettre était adressée ; mais d’après son raisonnement, Leicester ne devait revenir à Kenilworth que le soir, cette lettre se trouverait entre les mains de celui qui en avait été chargé, aussitôt qu’il aurait la possibilité de la remettre. Cependant Wayland ne vint pas jouer son rôle dans la fête, ayant été, dans l’intervalle, chassé du château par Lambourne ; et l’enfant ne pouvant le trouver ni arriver jusqu’à Tressilian, et se voyant en possession d’une lettre adressée à un personnage aussi élevé que le comte de Leicester, commença à être fort alarmé sur les suites de son espièglerie. La méfiance et même les craintes que Wayland avait exprimées à ce sujet lui firent juger que la lettre devait être remise au comte en mains propres, et qu’il pourrait nuire à la dame en la donnant à quelqu’un des domestiques. Il fit plusieurs tentatives pour parvenir jusqu’à Leicester ; mais la bizarrerie de ses traits et la pauvreté de son extérieur le firent toujours repousser des valets insolents auxquels il s’adressa. Une fois cependant il fut sur le point de réussir, lorsqu’en errant à l’aventure il trouva dans la grotte la cassette qu’il reconnut pour appartenir à l’infortunée comtesse, l’ayant vue entre ses mains pendant le voyage : car rien ne pouvait échapper à son œil curieux. Ayant vainement cherché à la remettre à Tressilian ou à la comtesse, il la remit, comme nous l’avons vu, à Leicester lui-même, que malheureusement il ne reconnut pas sous le déguisement qu’il portait.

L’enfant se croyait enfin près d’atteindre son but lorsque le comte vint du côté de l’entrée de la salle ; mais au moment où il allait l’aborder, il en fut empêché par Tressilian. Ayant l’oreille aussi fine qu’il avait l’esprit délié, l’enfant entendit le rendez-vous qu’ils se donnèrent dans les jardins, et résolut de se mettre en tiers avec eux, dans l’espoir qu’en allant ou en revenant il trouverait l’occasion de remettre la lettre à Leicester ; car il commençait à circuler d’étranges histoires parmi les domestiques, qui l’inquiétaient pour la sûreté de la dame. Un accident, cependant, arrêta Dickon un moment derrière le comte, et quand il arriva sous le portique, il vit que le combat était engagé. Il se hâta donc d’aller porter l’alarme parmi les gardes, ne doutant pas que son escapade ne fût cause du sang qui