Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/444

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marque que le sang seul peut laver ; et fussiez-vous en possession du plus haut rang auquel vos désirs ambitieux aient jamais pu aspirer, je ne vous en demanderais pas moins satisfaction de l’atteinte portée à mon honneur. »

Ils se séparèrent après ces mots. Mais les aventures de la nuit n’étaient pas encore terminées pour Leicester : obligé de passer par la tour de Saint-Lowe pour gagner le corridor secret qui conduisait à son appartement, il rencontra à l’entrée de ce passage lord Hunsdon à demi vêtu, et une épée nue sous le bras.

« Cette alarme vous a-t-elle donc aussi éveillé, milord Leicester ? dit le vieux militaire. C’est bien ! de par Dieu, les nuits sont aussi bruyantes que les jours dans votre château. Il y a à peu près deux heures que j’ai été réveillé par les cris de cette pauvre insensée de lady Varney, que son mari emmenait de force ; je vous assure qu’il a fallu à la fois votre autorité et celle de la reine pour m’empêcher de me mêler de la partie, et de couper les oreilles à votre Varney ; et maintenant ne voilà-t-il pas qu’il y a des querelles là-bas dans les jardins, du côté de cette terrasse ornée de si nombreuses statues ! »

Les premières paroles du vieillard étaient entrées dans le cœur de Leicester comme la pointe d’un poignard. Il répondit aux dernières, qu’il avait été réveillé lui-même par le cliquetis des épées, et était descendu pour rappeler à l’ordre ceux qui avaient commis une telle insolence si près de la personne de la reine.

« Eh bien donc ! dit Hunsdon, je serai fort aise d’avoir la compagnie de Votre Seigneurie. »

Leicester fut ainsi forcé de retourner dans le jardin avec le vieux lord, qui y apprit des soldats de la garde dont il avait le commandement le mauvais succès de leurs recherches, et leur donna pour leur peine quelques douzaines de malédictions, les appelant des fainéants, des drôles qui n’avaient pas d’yeux. Leicester crut aussi qu’il devait paraître fâché que la découverte n’eût pas eu lieu ; mais il finit par persuader à lord Hunsdon, qu’après tout ce n’étaient sans doute que de jeunes fous qui avaient fait des libations un peu trop fortes, et qui seraient assez effrayés par les recherches qui avaient eu lieu. Hunsdon, qui était lui-même assez attaché à la bouteille, convint que la liqueur vermeille pouvait servir d’excuse à beaucoup des folies qu’elle faisait commettre ; « mais, ajouta-t-il, si Votre Seigneurie ne se montre pas moins libérale dans son hospitalité, et si vous ne diminuez pas les flots de vin, d’ale et de li-