Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/410

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honneur, et si les lois ou le pouvoir exigent que vous vous sépariez de moi, je n’y mettrai plus d’obstacle, puisque je pourrai alors, sans rougir, aller cacher ma profonde affliction dans cette solitude dont votre amour m’a tirée. »

Il y avait tant de dignité et de tendresse dans le langage de la comtesse, qu’il toucha tout ce que l’âme du comte renfermait de noble et de généreux. Le bandeau parut tomber de ses yeux, et la duplicité, les tergiversations de sa conduite, le remplirent tout-à-coup de honte et de remords.

« Je ne suis pas digne de toi, Amy, dit-il, moi qui ai pu hésiter entre ce que l’ambition pouvait m’offrir, et un cœur tel que le tien. Quelle honte pour moi d’être forcé de déployer aux yeux de mes ennemis triomphants et de mes amis consternés tous les détours de ma trompeuse politique ! Et la reine ?… mais qu’elle prenne ma tête, ainsi qu’elle m’en a menacé.

— Votre tête, milord ! dit la comtesse, et parce que vous avez fait usage de la liberté et des droits d’un sujet anglais, en vous choisissant une femme ? Quoi ! c’est cette méfiance de la justice de la reine, cette crainte d’un danger qui ne peut être qu’imaginaire, qui, semblable à un épouvantail, vous a fait quitter le droit chemin, toujours le meilleur et le plus sûr ?

— Ah ! Amy, tu ne sais guère, » dit Dudley ; mais, se reprenant immédiatement, il ajouta : « Cependant elle ne trouvera pas en moi la victime passive et facile d’une vengeance arbitraire. J’ai des amis, j’ai des alliés… je ne me laisserai pas, ainsi que Norfolk, conduire à l’échafaud comme une paisible victime. Ne crains rien, Amy ; tu verras Dudley se comporter d’une manière digne de son nom. Il faut que je parle, à l’instant même, à quelques-uns de ces amis sur lesquels je puis le plus compter, car, dans l’état des choses, je puis être arrêté dans mon propre château.

— Ah, mon cher lord ! dit Amy, ne soulevez pas de factions dans un état paisible. Il n’y a pas d’ami qui puisse nous servir aussi bien que l’honneur et la vérité. N’ayez pas recours à d’autres auxiliaires, et vous ne courrez aucun danger au milieu d’une armée d’envieux et de méchants. Si vous les appelez à votre aide, toute autre défense deviendra vaine… La vérité, mon noble lord, est représentée sans armes, et c’est avec raison.

— Mais la sagesse, Amy, répondit Leicester, est revêtue d’une armure à l’épreuve. Ne discutez pas avec moi sur les moyens que j’emploierai pour que ma confession (puisque c’est ainsi qu’il faut