Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaux chênes seraient devenus la propriété de quelque honnête marchand de bois, et qu’il eût fait plus clair ici à minuit qu’il ne fait maintenant en plein midi. Tout eût été mis à bas pendant que Poster se fût amusé à en jouer et à en perdre le produit dans quelque tripot de White-Friars[1].

— Était-il alors si prodigue ? demanda Tressilian.

— Il était ce que nous étions tous, dit Larabourne, ni dévot, ni économe. Mais ce que je trouvais de pire en lui, c’est qu’il aimait à jouir seul et retenait, comme son dû, toute l’eau qui passait devant son moulin. Je l’ai connu, avalant, quand il était seul, plus de mesures de vin que je ne me serais risqué à en boire avec l’assistance du meilleur buveur du Berkshire. Ce défaut, joint à un penchant naturel pour la superstition, le rendait indigne de la compagnie d’un bon vivant. Maintenant il s’est enterré dans un trou, comme il convient à un fin renard de son espèce.

— Puis-je vous demander, monsieur Lambourne, pourquoi l’humeur de votre ancien compagnon étant si peu d’accord avec la vôtre, vous désirez si fort renouveler connaissance avec lui ?

— Et moi, puis-je vous demander en retour pourquoi vous avez montré tant de désir de m’accompagner dans cette aventure ?

— Je vous ai dit mon motif, repartit Tressilian ; si j’ai pris part à votre gageure, ç’a été par curiosité.

— En vérité !… Voyez un peu comme vous autres gens civils et discrets vous en usez avec nous qui vivons des ressources de notre esprit ; Si j’avais répondu à votre question en disant que c’était la pure curiosité qui me portait à aller visiter mon ancien camarade Antony Foster, je suis sûr que vous auriez regardé cela comme une réponse évasive et comme un tour de mon métier. Mais toute réponse, quelle qu’elle soit, est, je le suppose, assez bonne pour moi.

— Et pourquoi la simple curiosité ne serait-elle pas un motif suffisant pour m’engager à faire cette promenade avec vous ?

— Bon, bon ! monsieur ; vous ne me donnerez pas le change aussi facilement que vous croyez ; j’ai vécu trop long-temps avec les malins de l’époque pour qu’on me fasse avaler de la paille pour du grain. Vous êtes un homme bien né et bien élevé ; vos manières et votre tenue le prouvent ; vous avez de l’usage et une bonne réputation ; votre air, vos façons l’indiquent, et mon oncle le déclare ; et cependant vous vous associez à une espèce de parpaillot comme on m’appelle ; et me connaissant pour tel, vous vous faites

  1. Quartier de Londres. a. m.