Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/393

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bre. À peine avait-elle parcouru la moitié de la longueur de la grotte, vers l’extrémite de laquelle elle s’avançait à pas lents, que son regard avait repris sa dignité, et son maintien l’imposante autorité qui lui était habituelle.

Ce fut alors que la reine s’aperçut qu’une figure de femme était placée à côté, ou plutôt presque derrière une colonne d’albâtre, au pied de laquelle coulait la fontaine qui occupait toute la profondeur de cette grotte, où il ne régnait qu’un faible crépuscule. L’esprit classique d’Élisabeth lui rappela l’histoire de Numa et de la nymphe Égérie ; et elle ne douta pas que quelque sculpteur italien n’eût voulu représenter la naïade dont les inspirations donnèrent des lois à Rome. En avançant davantage, elle se demanda si elle voyait une statue ou une créature humaine. En effet, la malheureuse Amy, partagée entre le désir de faire part de sa situation à une personne de son sexe, et le trouble que lui inspirait la figure majestueuse de celle qui s’avançait, et que ses craintes lui firent reconnaître pour ce qu’elle était réellement, était restée immobile. Amy s’était d’abord levée de son siège dans le dessein de s’adresser à la princesse, dont l’arrivée dans la grotte lui semblait si propice ; mais se rappelant que Leicester lui avait témoigné la crainte que la reine ne vînt à apprendre leur union, et de plus en plus convaincue que la personne qu’elle contemplait était Élisabeth elle-même, elle resta un pied en avant, l’autre en arrière, les bras, la tête et les mains parfaitement immobiles, et les joues aussi pâles que le pilier d’albâtre contre lequel elle s’appuyait. Sa robe de soie, d’un vert marin qui se distinguait à peine au milieu de cette clarté douteuse, ressemblait un peu à la draperie d’une nymphe grecque : ce déguisement antique avait paru le plus sûr au milieu d’une réunion si nombreuse de masques et d’acteurs. L’incertitude où était la reine si elle voyait une figure vivante était donc fortement justifiée par le concours de toutes les circonstances, ainsi que par les joues décolorées et le regard fixe de la comtesse.

Élisabeth n’était plus qu’à quelques pas, qu’elle doutait encore si une statue assez habilement formée pour qu’à cette lueur incertaine elle ne put être distinguée d’une figure humaine, ne se présentait pas à sa vue. Elle s’arrêta donc, et fixa sur cet objet intéressant un regard si pénétrant, que l’étonnement, qui avait rendu Amy immobile, fit place à une timidité respectueuse. Baissant peu à peu les yeux, elle inclina alors la tête, incapable de soutenir plus long-temps le coup d’œil imposant de sa souveraine. Cependant, à l’exception de cette