Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la vieille maison de Cumnor-Place, écoutant les coups du sifflet mystérieux par lesquels Leicester avait coutume d’annoncer sa présence quand il venait à l’improviste lui rendre une de ses visites secrètes. Mais dans cette occasion, au lieu d’un sifflet, elle entendit les sons du cor, les mêmes que son père faisait éclater dans les airs à la chute du cerf et que les chasseurs appellent la mort. Elle courut, à ce qu’il lui sembla, vers une croisée donnant sur la cour, qu’elle vit remplie de gens en deuil. Le vieux curé semblait prêt à lire le service funèbre. Mumblazen, vêtu d’un antique costume comme un ancien héraut, tenait en l’air un écusson avec tous ses ornements ordinaires de crânes, ossements et sabliers, environnant une cotte d’armes où elle ne put distinguer autre chose sinon qu’elle était surmontée d’une couronne de comte. Le vieillard la regardait avec un effrayant sourire, et lui dit : « Amy, ces armes ne sont-elles pas bien écartelées ? » Au moment où elle parlait, les cors frappèrent de nouveau ses oreilles des sons mélancoliques et sauvages de la mort, et elle s’éveilla.

Au même instant elle entendit les véritables sons d’un cor ou plutôt les sons réunis de plusieurs de ces instruments qui faisaient résonner l’air non de la mort, mais du joyeux réveillé, pour rappeler aux habitants du château que les plaisirs du jour allaient commencer par une chasse magnifique dans les bois voisins. Amy se leva en sursaut, prêta l’oreille au bruit du dehors, vit les premiers rayons du matin luire déjà à travers le grillage de sa fenêtre, et se rappela avec une sensation de vertige et de déchirante angoisse où et dans quelles circonstances elle était placée.

« Il ne pense pas à moi, dit-elle, il ne veut pas venir près de moi ! une reine est sa convive : que lui importe que, dans un coin de son vaste château, une malheureuse comme moi languisse dans une incertitude qui va bientôt se changer en désespoir ! » Tout-à-coup un bruit qui se fit à la porte, comme si quelqu’un cherchait à l’ouvrir doucement, vint la remplir d’un ineffable mélange de joie et d’agitation ; se hâtant de courir à la porte pour écarter les obstacles qu’elle y avait placés et l’ouvrir, elle eut la précaution de demander auparavant : « Est-ce toi, mon ami ?

— Oui, ma belle comtesse, » murmura-t-on en réponse.

Elle ouvrit précipitamment la porte en s’écriant : « Leicester ! » et se jeta au cou de l’individu qui se tenait en dehors enveloppé dans son manteau.

« Non pas tout-à-fait, Leicester, » répondit Michel Lambourne,