Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/367

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d’abord confondu par l’audace de la fausseté soutenue d’une manière si plausible, et qui lui était présentée contre l’évidence de ses propres yeux. Il s’élança en avant, s’agenouilla, et saisissant la reine par le bas de sa robe : « Comme vous êtes une femme chrétienne, madame ; comme vous êtes une reine couronnée pour rendre également la justice à tous vos sujets ; comme vous espérez vous-même être écoutée avec impartialité (ce que Dieu veuille vous accorder !) à ce dernier tribunal devant lequel nous devons tous plaider, accordez-moi une légère faveur ! ne décidez pas si précipitamment dans cette affaire ; donnez-moi seulement un intervalle de vingt-quatre heures, et, ce court intervalle expiré, je produirai des preuves qui démontreront jusqu’à l’évidence que ces certificats qui affirment que cette malheureuse dame est maintenant malade dans le comté d’Oxford, sont aussi faux que l’enfer !

— Laissez aller ma robe, monsieur, » dit Élisabeth étonnée de cette véhémence, quoiqu’il y eût trop du lion en elle pour qu’elle fût accessible à la crainte. « Il faut que cet homme soit fou ! Mon filleul, le spirituel Harrington, le mettra quelque jour dans son poème d’Orlando furioso ! Et cependant, par la lumière qui m’éclaire, il y a quelque chose de singulier dans l’ardeur de sa prière… Parle, Tressilian ; que feras-tu si, au bout de vingt-quatre heures, tu ne peux réfuter un fait aussi solennellement prouvé que celui de la maladie de cette dame ?

— J’apporterai ma tête sur l’échafaud, répondit Tressilian.

— Bon ! dit la reine. Par la clarté du ciel, tu parles comme un fou ! Quelle tête tomba jamais en Angleterre, si ce n’est d’après le juste arrêt des lois anglaises ? Je te demande, jeune homme, s’il te reste assez de bon sens pour m’entendre, si, dans le cas où tu viendrais à échouer dans cette tentative improbable, tu pourrais la justifier par de bonnes et suffisantes raisons ? »

Tressilian garda le silence et hésita encore, parce qu’il sentit que, si, dans l’intervalle demandé, Amy se réconciliait avec son mari, ce serait lui rendre un très mauvais service que de dévoiler à Élisabeth toutes les circonstances de cette affaire, en apprenant à cette sage et jalouse princesse comment on l’avait abusée par de faux témoignages. Le sentiment de cette difficulté redonna un embarras visible à son regard, à son allocution et à toutes ses manières. Il hésita, baissa les yeux, et lorsque la reine lui répéta sa question d’une voix sévère et avec un coup d’œil étincelant, il convint, en balbutiant, qu’il était possible qu’il ne pût positivement… c’est-