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suivirent la reine à pied, comme les gentilshommes qui avaient été formés en troupe pour la recevoir à la porte de la tour de la Galerie.

En ce moment, et plusieurs fois dans la soirée, Raleigh adressa la parole à Tressilian, et ne fut pas médiocrement surpris de ses réponses vagues et peu satisfaisantes. Cette hésitation, la manière dont il avait quitté son appartement sans en donner aucune raison, son obstination à se montrer dans un négligé qui devait déplaire à la reine, enfin quelques autres symptômes de désordre qu’il crut remarquer en lui, tout le porta à craindre que l’esprit de son ami ne fût atteint de quelque aliénation momentanée.

Cependant la reine n’eut pas plus tôt mis le pied sur le pont, qu’elle y trouva un nouveau spectacle ; car du moment où la musique donna le signal de son approche, on vit paraître sur le lac, sortant derrière une petite héronnière qui le cachait, et se dirigeant doucement vers l’autre extrémité du pont, un radeau imaginé de manière à offrir l’aspect d’une île flottante, illuminée par une grande quantité de torches et environnée de machines mouvantes faites pour représenter des chevaux marins sur lesquels étaient assis des tritons, des néréides et autres divinités fabuleuses de la mer.

Sur cette île on découvrait une belle femme vêtue d’une mante de soie couleur verdâtre, attachée par une large ceinture, sur laquelle étaient gravés des caractères semblables aux phylactères des Hébreux. Ses pieds et ses bras étaient nus, mais elle portait aux poignets et aux chevilles des bracelets d’or d’une largeur peu commune. Au milieu de sa longue et soyeuse chevelure noire, elle portait un diadème ou guirlande de gui artificiel, et tenait à la main une baguette d’ébène dont le bout était d’argent ; deux nymphes la suivaient, vêtues comme elle d’un costume antique et symbolique.

Cette machine était si bien construite que la dame de l’île flottante ayant achevé son voyage d’une manière très pittoresque, débarqua à la tour de Mortimer avec ses deux suivantes, précisément à l’instant où Élisabeth elle-même arriva devant cette fortification. L’étrangère alors, dans un discours ingénieux, annonça qu’on voyait en elle cette célèbre Dame du Lac si renommée dans l’histoire du roi d’Arthur, qui avait pris soin du redoutable sir Lancelot dans sa jeunesse, et dont la beauté avait triomphé des enchantements et de la sagesse du grand Merlin. Depuis cette