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Dans cet ordre, la cavalcade s’approchait de la tour de la Galerie, qui, comme nous l’avons observé, formait la dernière barrière du château.

Ce fut alors le tour du gigantesque portier de s’avancer ; mais l’énorme et indolent personnage était si troublé par une excessive quantité d’ale double qui avait affaibli sa mémoire loin de la fortifier, qu’il ne put que proférer un soupir lamentable en restant assis sur son banc de pierre. La reine serait vraisemblablement passée sans qu’il l’eût complimentée, si l’allié secret du gigantesque concierge, Flibbertigibbet, qui se tenait caché derrière lui, n’eût enfoncé une épingle dans la partie postérieure des courts hauts-de-chausses que nous avons décrits ailleurs.

Le portier poussa une espèce de hurlement qui ne convenait pas mal à son rôle, il se leva en sursaut avec son bâton qu’il brandit autour de lui avec vigueur ; puis, comme un cheval de carrosse qui a senti l’éperon, il se lança au grand galop dans la carrière oratoire, et à l’aide de Dickie Sludge qui le souffla très activement, il réussit à proférer, d’une voix dont les intonations répondaient à sa taille de géant, un discours dont les premiers vers devaient être adressés à la foule qui obstruait la porte, et le reste prononcé au moment de l’approche de la reine, à l’aspect de laquelle le gigantesque portier, comme frappé d’une vision céleste, laissa tomber son bâton, déposa ses clefs, et fit place à la déesse de la nuit et à son magnifique cortège. Élisabeth reçut très gracieusement l’hommage du concierge herculéen, et lui faisant une inclination de tête en remercîment passa sous la tour si bien gardée, du haut de laquelle on entendit éclater dans l’air les sons bruyants d’une musique guerrière, à laquelle répondirent des troupes de musiciens placées sur différents points des murs du château ou stationnées dans le parc. Ainsi les échos répétaient les accords qui se répondaient les uns aux autres de différents côtés.

Au milieu de ces sons mélodieux qui éclataient comme par enchantement tantôt tout près, tantôt affaiblis par la distance, et quelquefois ne formaient plus qu’un murmure doux et plaintif, Élisabeth traversa la tour de la Galerie et arriva sur le pont, d’une longueur assez remarquable, qui s’étendait depuis cette galerie jusqu’à la tour de Mortimer. Un grand nombre de torches attachées de chaque côté des palissades produisaient une lumière presque égale à celle du jour. La plupart des nobles descendirent là, envoyèrent leurs chevaux au village voisin de Kenilworth, et