Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/356

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cette glorieuse soirée, sa physionomie était empreinte du zèle reconnaissant d’un sujet pénétré de l’honneur que lui faisait sa souveraine, et respirait l’orgueil et la satisfaction dont le remplissait un si beau moment. Cependant, quoique ni son regard, ni aucun de ses traits, ne trahît la moindre émotion étrangère à la circonstance, quelques-uns des gens du comte remarquèrent qu’il était d’une pâleur extraordinaire, et ils s’exprimèrent mutuellement la crainte que leur seigneur ne se fatiguât d’une manière qui pourrait nuire à sa santé.

Varney, comme premier écuyer du comte, le suivait tenant sa toque de velours noir, qui était ornée d’une agrafe de diamants et surmontée d’une plume blanche. Son regard était constamment fixé sur son maître, et pour des raisons qui ne sont pas inconnues au lecteur, c’était celui des nombreux gentilshommes de Leicester qui souhaitait avec le plus d’anxiété que la force et le courage du comte lui permissent de supporter convenablement les agitations d’une telle journée ; car, bien que Varney fût du très petit nombre de ces monstres qui sont parvenus à étouffer les remords de leur conscience, et qui, au moyen de l’athéisme, se procurent une espèce d’insensibilité morale semblable au repos qui est le résultat de l’opium administré pour des souffrances aiguës, il savait cependant que le cœur de son maître commençait à être en proie à cette flamme dévorante qui, une fois allumée, ne s’éteint plus, et qu’au milieu de toute la pompe et de toute la magnificence que nous venons de décrire, le comte se sentait rongé par ce ver qui ne meurt point. Néanmoins, assuré comme l’était lord Leicester, par la nouvelle que Varney lui en avait apportée, que la comtesse éprouvait une indisposition qui devait excuser suffisamment auprès de la reine son absence de Kenilworth, son astucieux écuyer ne croyait pas qu’il fût très à craindre qu’un homme aussi ambitieux se trahît en donnant des signes extérieurs de faiblesse.

Les personnes qui composaient la suite immédiate de la reine, hommes et femmes, étaient naturellement choisies parmi les plus braves guerriers, les plus belles dames, la noblesse la plus illustre et les sages les plus célèbres de ce règne remarquable, et répéter leurs noms ne serait que fatiguer le lecteur. Derrière eux venait une longue suite de chevaliers et de gentilshommes, dont le rang et la naissance, quelque distingués qu’ils fussent, étaient confondus comme leurs personnes à la suite d’un cortège à la tête duquel brillait tant de majesté.