Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/350

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nant le bras, mais, comme de coutume, se disputant avec chaleur. Tressilian, dans la situation actuelle de son esprit, ne désirait guère leur société, mais il n’y avait pas moyen de les éviter ; aussi il sentit que lié par sa promesse de ne pas voir Amy et de ne faire aucune démarche en sa faveur, ce qu’il avait de mieux à faire était de se mêler à la foule, et de laisser paraître le moins possible les angoisses et les inquiétudes qui pesaient sur son cœur. Il fit donc de nécessité vertu, et appelant ses camarades, s’écria : « La joie soit avec vous, camarades ! D’où venez-vous, amis ?

— De Warwick, comme de raison, répondit Blount. Nous sommes revenus pour changer d’habits comme de pauvres acteurs qui sont obligés de conformer leur extérieur à leurs rôles ; et vous auriez bien fait de nous imiter, Tressilian.

— Blount a raison, dit Raleigh, la reine aime ces marques de déférence, et considère comme un manque de respect de ne point se rendre sur-le-champ à son cortège et de paraître devant elle dans le négligé du voyage. Mais regarde Blount lui-même, Tressilian, pour peu que tu aimes à rire, regarde-le, et vois comme son coquin de tailleur l’a équipé, avec du bleu, du vert et du cramoisi relevés par des rubans couleur de chair et des rosettes jaunes à ses souliers.

— Et que vous faut-il donc ? dit Blount. J’ai commandé à ce voleur aux jambes croisées de faire de son mieux et de ne pas épargner la dépense ; et il me semble que tout cela ne fait pas mal, mieux même que ton costume. Je m’en rapporte au jugement de Tressilian.

— Je le veux bien, je le veux bien, répondit Walter Raleigh, pour l’amour du ciel, prononce entre nous, Tressilian. »

Tressilian, choisi pour juge, les examina tous les deux, et s’aperçut au premier coup d’œil que l’honnête Blount avait pris, sur la foi du tailleur, le costume qu’il avait plu à celui-ci de lui faire, et qu’il était aussi embarrassé de la surabondance des rubans qui garnissaient son habillement, qu’un paysan de ses vêtements du dimanche. L’habit de Raleigh, au contraire, était un habit riche et de bon goût, que celui-ci portait comme un costume trop bien approprié à son élégante personne pour être l’objet d’une attention particulière. Tressilian prononça donc que les habits de Blount étaient plus beaux, mais ceux de Raleigh d’un meilleur goût.

Blount fut satisfait de cette décision. « Je savais bien que le mien était plus beau ; si ce coquin de Double-Point m’eût apporté un