Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/347

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pieds sous terre les bons gentilshommes ou les gens comme il faut qui avaient battu la grande route, médit du lord Leicester, ou commis quelque autre faute du même genre que de les enfermer dans cette chambre d’en haut, qu’on appelle le cabinet de Mervyn. En vérité, par le bon saint Pierre-ès-liens, je m’étonne que mon noble maître, ou M. Varney, aient songé à y loger un hôte ; et si ce M. Tressilian a pu trouver quelqu’un pour lui tenir compagnie, et surtout une femme, sur mon honneur, je pense qu’il a eu raison.

— Je te dis, » ajouta Lambourne en s’avançant dans la chambre du porte-clefs, « que tu n’es qu’un âne… Va fermer le guichet au bas de l’escalier, et ne t’embarrasse pas des esprits. Donne-moi un coup de vin, mon brave ; je me suis un peu échauffé en mettant tout à l’heure ce drôle à la porte. »

Tandis que Lambourne buvait à longs traits un pot de claret, ce qu’il faisait sans se servir d’un verre, le gardien continuait à justifier sa croyance aux apparitions.

« Tu n’es que depuis quelques heures dans ce château, et pendant tout ce temps-là tu t’es enivré tellement, que tu es à la fois sourd, muet et aveugle. Mais tu ferais moins de bravades, si tu devais passer la nuit avec nous à l’époque de la pleine lune ; car c’est alors que l’esprit est le plus remuant, et surtout lorsque le vent souffle avec violence du nord-ouest, qu’il tombe quelques gouttes de pluie, et que de temps en temps l’on entend gronder le tonnerre. Grand Dieu ! quels craquements, quels ébranlements, quels gémissements, et quels hurlements se font entendre alors dans la chambre de Mervyn, juste au dessus de nos têtes ! c’est à tel point, que deux quartes d’eau-de-vie ne suffisent pas pour nous soutenir, mes garçons et moi.

— Bah ! l’ami, » répondit Lambourne, sur qui ce dernier coup, joint aux accolades réitérées qu’il avait données antérieurement au pot, commençait à opérer quelque changement ; « bah ! tu parles des esprits comme un homme qui n’y connaît rien. Personne ne sait au juste ce qu’il faut en dire, et, bref, moins on en parle mieux on fait. Ceux-ci croient une chose, ceux-là une autre… Tout cela est pure imagination. J’en ai connu de toute espèce, mon cher Lawrence Ferme-Porte, et même des hommes d’esprit. Il y a un grand seigneur, je tairai son nom, Lawrence, qui a foi aux étoiles et à la lune, aux planètes et à leur cours, et qui va jusqu’à croire qu’elles ne brillent que pour lui ; quand, foi d’homme à jeun, ou