Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/339

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gentilshommes qui, sans contredit, sont pétris de pâte de porcelaine, regardent de haut en bas le pauvre Michel Lambourne ! Ne prendrait-on pas en ce moment monsieur Tressilian pour le plus modeste, le plus pudibond, le plus timide soupirant qui ait jamais fait l’amour aux dames quand les chandelles étaient soufflées ? Pourquoi vouloir jouer le saint avec nous, monsieur Tressilian ? Oubliez-vous qu’en cet instant même vous avez une bonne fortune dans votre chambre à coucher, au grand scandale du château de milord ? Ha ! ha ! ha ! j’ai touché juste, monsieur Tressilian.

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, » répliqua Tressilian, qui toutefois ne comprenait que trop bien que cet impudent coquin savait qu’Amy était renfermée dans son appartement ; « mais, ajouta-t-il, si tu es un des valets qui font le service des chambres, et que tu veuilles un pour-boire, prends ceci et laisse la mienne en repos. »

Lambourne regarda la pièce d’or et la mit dans sa poche, en disant : « Bien ! mais je ne sais pas trop si vous n’auriez pas plus obtenu de moi avec une parole amicale qu’avec cette bagatelle sonnante ; mais après tout il paie bien, celui qui paie avec de l’or, et Michel Lambourne n’a jamais été un boute-feu, un trouble-fête, ni rien de semblable. Vivre et laisser les autres vivre, voilà ma devise ; seulement je ne voudrais pas que certaines gens fissent les fiers avec moi, comme s’ils étaient d’or et moi d’étain. Si donc je garde votre secret, monsieur Tressilian, vous pouvez bien me regarder d’un air plus doux ; et si j’avais jamais besoin d’un coup d’épaule et d’un peu de protection pour être tombé dans une semblable peccadille, comme vous voyez que cela peut arriver à l’homme le plus parfait, hé bien ! il serait de votre devoir de m’aider. Ainsi donc, que votre chambre vous serve, et à cet aimable oiseau par-dessus le marché, peu importe à Michel Lambourne.

— Faites-moi place, monsieur, » dit Tressilian incapable de contenir son indignation, « vous avez reçu votre pour-boire.

— Hum ! » dit Lambourne en faisant place, mais en murmurant entre ses dents les paroles de Tressilian : « Faites place… vous avez reçu votre pour-boire… N’importe, je ne veux point être un trouble-fête, comme je l’ai déjà dit, mais je ne suis pas un chien à la mangeoire, entendez-vous ? »

Il parlait de plus en plus haut, à mesure que Tressilian, dont la présence lui imposait, s’éloignait davantage de la portée de sa voix. « Je ne suis pas un chien à la mangeoire, je ne veux point tenir la