Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/334

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Tressilian traversa le passage qui séparait la longue file des cuisines de la grande salle, et monta au troisième étage de la tour de Mervyn. Là, poussant la porte du petit appartement qui lui avait été assigné, il fut surpris de la trouver fermée. Il se rappela alors que le chambellan en second lui avait donné un passe-partout, en l’avertissant de tenir sa porte fermée autant que possible, en raison de la confusion qui régnait dans le château. Il appliqua la clef à la serrure, le pêne céda, il entra, et au même instant il vit, assise dans sa chambre, une femme dans les traits de laquelle il reconnut Amy Robsart. Sa première idée fut que son imagination exaltée lui présentait l’image réelle de l’objet de ses rêveries, la seconde qu’il voyait un fantôme ; la troisième enfin lui donna la conviction que c’était Amy en personne, pâle, il est vrai, et plus maigre que dans ces jours d’heureuse insouciance où elle unissait les formes et la fraîcheur d’une nymphe des bois aux grâces d’une sylphide, mais toujours cette Amy supérieure en beauté à tout ce qu’avaient jamais vu ses yeux.

L’étonnement de la comtesse ne fut guère moindre que celui de Tressilian, quoique de plus courte durée, vu qu’elle avait appris de Wayland qu’il était dans le château. Elle s’était levée précipitamment à son entrée ; mais en le reconnaissant elle demeura immobile, et la pâleur de ses joues fit place à une vive rougeur.

« Tressilian, dit-elle enfin, pourquoi êtes-vous venu ici ?

— Pourquoi plutôt y êtes-vous venue vous-même, Amy ? répondit Tressilian, à moins que ce ne soit pour réclamer mon assistance, qui vous sera accordée sur-le-champ aussi puissante que peuvent l’offrir le cœur et le bras d’un homme. »

Elle demeura un instant silencieuse, puis d’un ton plutôt chagrin qu’irrité, elle répondit : « Je ne demande point d’assistance, Tressilian, et celle que votre bonté pourrait m’offrir me ferait plus de tort que de bien. Croyez-moi, je suis près de quelqu’un que la loi et l’amour obligent de me protéger.

— Le scélérat vous a donc donné la seule satisfaction qu’il était encore en son pouvoir de vous donner ; et je vois devant moi l’épouse de Varney !

— L’épouse de Varney ! » reprit-elle avec toute l’emphase du mépris ; » de quel odieux nom votre témérité ose-t-elle flétrir la… la… la… ? » Elle hésita, quitta son ton de mépris, baissa les yeux, demeura confuse et silencieuse, frappée de tout le danger qu’il y aurait eu à achever sa phrase en ajoutant « la comtesse de Leices-