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Normands. Sur les murs extérieurs se dessinait l’écusson des Clinton, par qui ils furent élevés sous le règne de Henri Ier ainsi que celui d’un homme plus redoutable encore, du célèbre Simon de Montfort qui, durant la guerre des Barons, avait long-temps défendu Kenilworth contre Henri III. Là aussi Mortimer, comte de Marck, fameux par son élévation et par sa chute, avait donné de brillantes fêtes pendant que son souverain détrôné, Édouard II, languissait dans les cachots du château. Le vieux Jean de Gand, de l’antique race des Lancastre, avait beaucoup agrandi le château en élevant le vaste et massif bâtiment qui porte encore aujourd’hui son nom. Leicester avait surpassé ceux qui l’avaient possédé avant lui, tout magnifiques et puissants qu’ils eussent été, en élevant un autre corps de bâtiment, qui maintenant est enseveli sous ses ruines, emblème de l’ambition de son fondateur. Les murailles extérieures de ce château vraiment royal étaient, du côté du sud-ouest, baignées et défendues par un lac en partie artificiel, sur lequel Leiceister avait fait construire un superbe pont, afin qu’Élisabeth pût entrer dans ce château par un chemin nouveau, au lieu d’y arriver par l’entrée ordinaire, située du côté du nord. À la place de cette entrée il avait construit une espèce de barbacane, qui existe encore et qui égale en étendue et surpasse en architecture le manoir de plus d’un baron du nord.

De l’autre côté du lac était un parc immense, rempli de daims, de chevreuils et de toute espèce de gibier. Il était partout ombragé par de magnifiques arbres, du milieu desquels on voyait s’élever majestueusement la large façade du château et ses tours massives. Il faut bien ajouter que ce superbe palais, où des princes donnèrent des fêtes et où des héros combattirent, tantôt par les sanglants engagements de l’assaut et du siège, tantôt dans des joutes chevaleresques, où la beauté décernait le prix gagné dans la valeur, ne présente plus aujourd’hui qu’une scène de désolation. Le lit du lac n’est plus qu’un marais peuplé de joncs, et les ruines massives du château ne servent plus qu’à montrer quelle fut autrefois sa splendeur, et à faire sentir au voyageur la valeur passagère des biens de ce monde et le bonheur de ceux qui jouissent d’une humble fortune et de la paix du cœur.

Ce fut avec des sentiments bien différents que l’infortunée comtesse de Leicester contempla ces tours grisâtres et massives, quand pour la première fois elle les vit s’élever au dessus des bois touffus et majestueux sur lesquels elles semblaient dominer en reines.