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ment elle insista auprès de son guide pour qu’il la conduisit à kenilworth avec toute la célérité que permettraient les embarras de la route. Cependant l’inquiétude de Wayland au sujet de ses faiblesses répétées et du dérangement visible de son esprit augmentait à chaque instant, et il commençait à souhaiter vivement que, conformément à ses demandes réitérées, elle pût arriver sans encombre à Kenilworth, où il ne doutait pas qu’elle ne fût assurée d’un bon accueil, quoiqu’elle parût peu disposée à lui révéler sur quoi elle fondait ses espérances.

« Si je suis une fois quitte de ce danger, pensait-il, et qu’on me retrouve jouant le rôle d’écuyer près d’une demoiselle errante, je permets qu’on me casse la tête avec mon marteau d’enclume. »

Enfin parut à leurs yeux ce magnifique château de Kenilworth. Ses embellissements et l’amélioration des domaines qui en dépendaient n’avaient pas coûté, dit-on, au comte de Leicester moins de soixante mille livres sterling, somme qui en représente cinq cent mille de notre époque[1].

Les murs de ce superbe et gigantesque édifice entouraient un espace de sept acres[2], dont une partie était occupée par de vastes écuries et par un jardin de plaisance avec ses bosquets et ses parterres ; le reste formait la grande cour ou cour extérieure du noble château. L’édifice lui-même, qui s’élevait à peu près au centre de ce vaste enclos, était composé de plusieurs magnifiques bâtiments revêtus de pierres de taille, qui paraissaient avoir été construits à différentes époques. Ils entouraient une cour intérieure, et les noms que portait chaque portion du bâtiment, ainsi que les armoiries qui les décoraient, rappelaient de puissants seigneurs morts depuis long-temps, et dont l’histoire, si l’ambition eût su y prêter l’oreille, aurait pu servir de leçon à l’orgueilleux favori qui avait acquis ce beau domaine et s’occupait de l’améliorer. Le vaste et solide donjon qui formait la citadelle du château était d’une très haute antiquité, quoique l’époque de sa construction fût incertaine. Il portait le nom de César, peut-être à cause de sa ressemblance avec celui de la Tour de Londres, qui a le même nom. Quelques antiquaires font remonter sa construction au temps de Kenelph, roi saxon de la Mercie, dont le château avait reçu le nom ; d’autres voulaient qu’il eût été bâti peu de temps après la conquête des

  1. Plus de douze millions de francs. a. m.
  2. L’acre égale 720 pieds français de longueur sur 72 de largeur, ou bien 160 perches. a. m.