Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/308

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land ; elle chante et joue du luth à attirer le poisson hors de la rivière.

— Fais-la-moi entendre à l’instant, dit le jeune lutin ; j’aime le luth par dessus toutes choses, quoique je n’en aie jamais entendu jouer.

— Alors, comment peux-tu l’aimer, Flibbertigibbet ? dit Wayland.

— Comme les chevaliers aiment les dames dans les vieux contes, par ouï-dire.

— Eh bien donc, continue à l’aimer par ouï-dire, jusqu’à ce que ma sœur soit remise de la fatigue du voyage, » dit Wayland, qui ensuite murmura entre ses dents : « Le diable emporte ce petit drôle avec sa curiosité ! Il faut cependant que je continue à lui faire bonne mine, autrement nous nous en trouverions mal. »

Wayland, s’adressant ensuite à maître Holyday, commença à vanter ses talents comme escamoteur, et ceux de sa sœur comme musicienne. Quelques preuves de sa dextérité lui furent demandées ; il les offrit sur-le-champ, et elles eurent tant de succès que, charmée de s’être recrutée d’un aussi habile homme, la troupe admit sans difficulté les excuses qu’il présenta en faveur de sa sœur, dont on désirait connaître le talent. Les nouveaux venus furent invités à prendre part aux rafraîchissements dont la bande s’était munie, et ce ne fut pas sans peine que Wayland Smith trouva l’occasion de parler en particulier à sa prétendue sœur pendant le repas. Il en profita pour la conjurer d’oublier, pour le présent, son rang et ses chagrins, et de condescendre à se mêler à la société avec laquelle elle allait faire route, ce qui serait le moyen le plus efficace de demeurer inconnue.

La comtesse apprécia la justesse de cette recommandation, et quand ils se remirent en chemin, elle s’efforça de suivre le conseil de son guide en s’adressant à une femme qui se trouvait près d’elle, et en témoignant de l’intérêt à celle qu’ils étaient obligés de laisser en arrière.

« Oh ! elle est bien soignée, madame, » répondit la comédienne, qu’à son air de gaîté, à son penchant à rire de tout, on eût pu prendre pour le type de la femme de Bath[1] ; « et puis ma commère Lancham attache fort peu d’importance à ces affaires-là. Le neuvième jour, si les fêtes durent aussi long-temps, nous la reverrons parmi nous à Kenilworth, quand même elle devrait voyager avec son enfant sur le dos. »

  1. Héroïne d’un conte de Chaucer. a. m.