Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/291

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reprendre haleine et recouvrer ses sens. Elles s’arrêtèrent donc sous l’ombrage d’un vieux chêne noueux, et toutes deux tournèrent naturellement leurs regards vers la maison dont elles s’éloignaient. De loin, à travers l’obscurité, on en apercevait la vaste et noire façade avec ses grands tuyaux de cheminée, ses tourelles et son horloge, qui s’élevaient au dessus du niveau du toit et se détachaient sur le fond azuré du ciel pur d’une nuit d’été. Une seule lumière s’échappait du sein de cette sombre masse ; mais elle était placée tellement bas, qu’elle paraissait plutôt partir d’un point situé en avant de l’édifice que de l’une des fenêtres. Il n’en fallut pas davantage pour alarmer la comtesse. « On nous poursuit, » dit-elle en montrant à Jeannette la lumière, cause de son effroi.

Moins agitée que sa maîtresse, Jeannette reconnut que la lumière était immobile, et fit observer à voix basse à la comtesse que cette clarté provenait de la cellule solitaire dans laquelle l’alchimiste se livrait à ses expériences occultes. « Il est de ceux, ajouta-t-elle, qui veillent la nuit pour commettre l’iniquité. C’est un grand malheur que le hasard ait amené ici un homme dont les discours empreints à la fois de l’amour de la richesse terrestre et de la prétendue connaissance d’une science surnaturelle ne sont que trop propres à séduire mon pauvre père. Le bon M. Holdforth avait bien raison de le dire, et je crois que son intention était de donner une leçon utile aux personnes de notre maison : « Il y a des gens, et leur nombre est celui d’une légion, qui aimeront mieux, comme le méchant Achab, écouter les rêves du faux prophète Zédéchias que les paroles de celui par la bouche duquel le Seigneur a parlé. « Et il ajoutait avec force : « Ah, mes frères ! il y a plus d’un Zédéchias parmi vous, des hommes qui vous promettent la lumière de leur science charnelle, si vous voulez renoncer pour eux aux lumières de votre céleste intelligence. Valent-ils mieux, dites-moi, que le tyran Naas, qui demandait l’œil droit de ceux qui lui étaient soumis ? » Il insista ensuite… »

Il est difficile de dire jusqu’à quel point la mémoire de la jolie puritaine l’eût aidée dans la récapitulation du sermon de M. Holdforth, si la comtesse ne l’eût interrompue pour lui assurer qu’elle était assez bien remise pour pouvoir atteindre la porte du parc sans avoir besoin de s’arrêter une seconde fois.

Elles se remirent donc en route et firent la seconde partie du trajet avec plus de précaution, et conséquemment avec plus de facilité que la première, qui avait été d’autant plus pénible qu’elles s’étaient