Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/274

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— Je vous ai acheté quelques livres, madame, dit Jeannette, d’un boiteux qui me les a vendus sur la place du marché… et qui, je vous l’assure, m’a regardée d’une façon passablement hardie.

— Montre-les-moi, Jeannette, dit la comtesse ; mais que ce ne soient point des livres de ta secte précisienne… Qu’est-ce que tout cela, très vertueuse demoiselle ? Une paire de mouchettes pour le chandelier d’or. — Une poignée de myrrhe et d’hysope pour donner un purgatif à une âme malade. — Un verre d’eau de la vallée de Baca.— Les Renards et les Tisons. Comment appelles-tu toutes ces niaiseries, ma fille ?

— Madame, il m’a semblé convenable de placer la grâce devant vous ; mais puisque vous la refusez, voici des livres de comédie et des poésies, je crois. »

La comtesse continua nonchalamment son examen, rejetant maints volumes rares qui feraient aujourd’hui la fortune de vingt bouquinistes. C’était le Livre de cuisine, imprimé par Richard Lant. — Les Œuvres de Skelton. — Le Passe-temps du peuple. — Le château de la Science. Mais la comtesse ne se sentit pas plus de goût pour ces savants ouvrages, et ce fut avec joie qu’elle abandonna la tâche fastidieuse de feuilleter des bouquins, et qu’elle les fit voler sur le plancher, quand, à un bruit de pas de chevaux qui se fit entendre dans la cour, elle courut à la fenêtre en s’écriant : « C’est Leicester ! c’est mon noble comte !… chaque pas de son cheval a pour mon oreille le son d’une musique divine. »

Il y eut un court moment de tumulte dans la maison, et bientôt après, Foster, les yeux baissés, l’air sombre comme de coutume, entra dans l’appartement pour dire que M. Richard Varney venait d’arriver de la part de milord, qu’il avait couru toute la nuit, et qu’il demandait à parler sur-le-champ à milady.

« Varney ?… Et pour me parler… Grand Dieu !… Mais il vient de la part de milord… Faites-le donc entrer sur-le-champ… »

Varney entra dans le cabinet de toilette de la comtesse, où elle était assise, dans tout l’éclat de ses grâces naturelles, embellies encore par le goût de Jeannette, et par tout ce que pouvait y ajouter un négligé riche et élégant. Mais sa plus belle parure était sa belle chevelure châtain, dont les boucles nombreuses flottaient autour de son cou blanc comme celui d’un cygne et sur son sein agité par l’inquiétude de l’attente qui avait répandu une vive rougeur sur toute sa figure.

Varney parut dans le même costume avec lequel il avait accom-