Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/272

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achats inutiles, uniquement pour le plaisir de se procurer ces vains et brillants colifichets qui cessaient de lui plaire aussitôt qu’ils étaient en sa possession ; elle savait aussi passer chaque jour un temps considérable à orner sa personne, quoique l’éclat varié de sa toilette n’eût d’autre effet que de lui attirer les éloges satiriques de la précisienne Jeannette, ou un regard d’approbation des beaux yeux qui voyaient leur expression de triomphe réfléchie dans le miroir.

La comtesse Amy pouvait, il est vrai, alléguer pour excuse à ses goûts frivoles que l’éducation de cette époque n’avait eu que peu d’influence sur un esprit naturellement superficiel et ennemi de l’étude. Si elle n’eût point autant aimé la parure, elle eût pu s’occuper de tapisserie ou de broderie, jusqu’à ce que tous les murs et tous les sièges de Lidcote-Hall eussent été couverts de ses ouvrages répandus partout avec profusion ; ou bien se distraire des travaux de Minerve en préparant un beau pudding pour le moment où sir Hugh Robsart revenait de courir les bois. Mais Amy n’avait naturellement de goût ni pour le métier ni pour l’aiguille, ni pour les livres de compte. Elle avait perdu sa mère dès son enfance. Son père ne l’avait jamais contredite en rien ; et Tressilian, le seul de ceux qui l’approchaient qui fût capable ou eût le désir de cultiver son esprit, s’était fait beaucoup de tort auprès d’elle en montrant un peu trop d’empressement à jouer le rôle de précepteur : aussi inspirait-il à cette jeune personne, vive, frivole, et habituée à être gâtée, quelque crainte et beaucoup de respect, mais peu ou point de ce sentiment plus doux qu’il avait eu l’espoir et l’ambition de faire naître en elle. Le cœur d’Amy était ouvert au premier qui saurait s’en emparer, et son imagination fut aisément captivée par le noble extérieur, les manières gracieuses et les séduisantes flatteries de Leicester, bien qu’elle le connût pour le favori de la richesse et du pouvoir.

Les fréquentes visites de Leicester à Cumnor, dans les premiers temps de leur union, avaient réconcilié la comtesse avec la solitude et la privation auxquelles elle était condamnée ; mais quand ces visites devinrent de plus en plus rares, et que ce vide fut rempli par des lettres d’excuses, dont les termes n’étaient pas toujours fort passionnés, et qui généralement étaient fort courtes, le mécontentement et le soupçon commencèrent à habiter ce splendide appartement que l’amour avait préparé pour la beauté. Les réponses d’Amy à Leicester dévoilaient trop ouvertement ces sentiments, et elle insistait avec plus de franchise que de prudence pour sortir de