Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/270

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tention momentanée de révoquer l’indigne commission qu’il venait de donner à un homme dont il avait l’habitude de dire qu’il ne lui connaissait aucune bonne qualité, excepté son affection pour son maître. Mais Varney était déjà hors de la portée de sa voix, et la voûte brillante du firmament, que dans ce siècle on considérait comme le livre du destin, s’étant offerte aux yeux de Leicester au moment où il ouvrit la fenêtre, cette vue le détourna de la résolution plus courageuse et plus digne de lui qu’il venait de former.

« Elles roulent dans leur cours silencieux et puissant, » dit le comte en regardant les étoiles ; « elles n’ont point de langage pour nos oreilles, mais des influences qui, dans tous les changements, se font sentir aux habitants de cette vile planète. Si les astrologues ne mentent point, voici le moment de crise pour ma destinée. L’heure à laquelle on m’a averti de prendre garde approche… l’heure aussi à laquelle on m’a exhorté à espérer… Roi, c’est le mot… Mais comment ? la couronne matrimoniale… tout espoir est perdu… Eh bien ! n’y pensons plus… Les riches provinces des Pays-Bas me demandent pour chef, et, si Élisabeth y consent, elles me donnent la couronne… Eh ! n’ai-je pas des droits même à ce royaume ? les droits d’York, transmis par George de Clarence à la maison de Huntingdon, droits qui, si cette femme mourait, m’offrent une belle chance… Je suis de la maison d’Huntingdon… Mais je ne veux pas m’enfoncer plus avant dans ces profonds mystères. Il faut, pendant quelque temps encore, poursuivre ma carrière dans le silence et l’obscurité, comme un fleuve souterrain… Le temps viendra où je pourrai éclater dans toute ma force et renverser tout obstacle devant moi. »

Tandis que Leicester cherchait ainsi à étouffer le cri de sa conscience, soit en colorant sa conduite de la nécessité politique, soit en s’égarant au milieu des rêves de l’ambition, son agent laissait derrière lui la ville et ses tours, s’avançant rapidement vers le Berkshire. Lui aussi nourrissait de hautes espérances. Il avait amené Leicester au point où il voulait, à lui confier les pensées les plus secrètes de son cœur, et à le choisir comme intermédiaire dans ses rapports les plus intimes avec sa femme. Il prévoyait que désormais il serait difficile à son patron de se passer de ses services et de lui rien refuser, quelque déraisonnables que fussent ses demandes ; et si cette dédaigneuse personne, comme il nommait la comtesse, souscrivait à la demande de son époux, Varney, son prétendu mari, se trouverait forcément à son égard dans une situation où son au-