Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/267

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et troubler mon triomphe au moment même où il est le plus éclatant. Donne-moi quelque moyen, Varney, pour me tirer de ce labyrinthe inextricable. J’ai imaginé tous les empêchements que décemment je pourrais faire valoir pour retarder ces maudites fêtes, mais l’entrevue d’aujourd’hui ne m’a plus laissé d’espoir que dans le hasard. Elle m’a dit avec douceur, mais d’un ton impératif : « Nous ne voulons pas vous accorder un plus long délai pour vos préparatifs, de peur que vous ne vous ruiniez. Samedi, 9 juillet, nous serons chez vous, à Kenilworth. Nous vous prions de n’oublier aucun des hôtes que nous vous avons désignés, surtout cette volage Amy Robsart. Nous désirons voir la femme qui a pu préférer à Tressilian, ce favori des muses, votre écuyer Richard Varney. » Ainsi, Varney, appelle à ton aide ton génie inventif qui si souvent nous a été utile ; car, aussi vrai que mon nom est Dudley, le danger dont je suis menacé par mon horoscope plane en ce moment sur moi.

— Ne pourrait-on, d’aucune manière, persuader à milady de jouer, pendant un court espace de temps, le rôle obscur que les circonstances lui imposent ? » dit Varney après un moment d’hésitation.

« Comment, coquin ! la comtesse paraîtrait sous le nom de ta femme ? Ceci n’est compatible ni avec mon honneur ni avec le sien.

— Hélas ! milord, répondit Varney, tel est pourtant le titre sous lequel la connaît Élisabeth, et la désabuser, c’est tout découvrir.

— Imagine quelque autre expédient, Varney, » dit le comte en proie à une vive agitation, « celui-ci est inadmissible. Quand j’y consentirais, elle ne le voudrait pas ; car je te l’apprends, Varney, si tu ne le sais pas, Élisabeth sur son trône n’a pas plus d’orgueil que la fille de cet obscur gentilhomme du Devonshire. Elle est docile en beaucoup de circonstances, mais quand elle croit son honneur engagé, son esprit a toute la pénétration et toute la vivacité d’action de l’éclair.

— Nous l’avons éprouvé, milord ; sans cela nous ne nous trouverions pas dans cette position embarrassante. Mais je ne sais quel autre conseil vous donner. Il me semble que celle qui fait naître le danger devrait aussi le détourner.

— C’est impossible, » dit le comte en avançant la main ; « je ne connais point d’autorité, point de prière qui pût la décider à porter ton nom pendant une heure.

— C’est un peu dur cependant, » dit Varney d’un ton sec ; et sans s’arrêter sur ce sujet, il ajouta : « Supposons que l’on trouvât quelqu’un pour la représenter ; de pareils tours ont été joués à