Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/260

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sément ses projets contre vous, je ne saurais le deviner ; mais la mort et la maladie ont toujours accompagné ses pas. Ne dis rien de tout cela à ta maîtresse… mon art m’apprend que dans son état, la crainte du mal serait aussi dangereuse pour elle que le mal même. Mais veille à ce qu’elle prenne mon spécifique ; car (lui dit-il à l’oreille d’un ton bas, mais expressif) c’est un antidote contre le poison. Écoute, on entre dans le jardin. »

En effet, les éclats d’une joie bruyante et des voix confuses se faisaient entendre du côté de la porte du jardin. Wayland alarmé se jeta au milieu d’un épais taillis, tandis que Jeannette se retira dans le pavillon, afin de ne pas être remarquée, et de cacher en même temps, du moins pour le moment, les objets achetés au prétendu colporteur, qui étaient encore épars sur le plancher de cette aimable retraite.

Jeannette, cependant, n’avait aucun sujet de s’inquiéter. Son père, avec son vieux serviteur, le domestique de lord Leicester et le vieil astrologue, arrivaient dans le plus grand désordre et tous dans un extrême embarras. Ils s’efforçaient de calmer Lambourne, à qui la boisson avait tout-à-fait bouleversé la cervelle. Il était du nombre de ces malheureux qui, une fois travaillés par le vin, ne se laissent pas aller au sommeil comme tant d’autres ivrognes, mais restent long-temps soumis à son influence, jusqu’à ce qu’enfin, à force de boire coups sur coups, ils arrivent à un état de frénésie indomptable. Comme la plupart des gens qui se trouvent dans cet état, Lambourne ne perdait pas la faculté de se mouvoir et de s’exprimer ; au contraire, il parlait avec une emphase et une volubilité extraordinaire, et disait tout haut ce que dans d’autres moments il aurait désiré le plus tenir secret.

« Quoi ! » s’écria Michel de toute la force de ses poumons, « ne me donnera-t-on pas la bienvenue, ne fera-t-on pas ripaille, lorsque j’amène dans votre vieux chenil la fortune sous la forme d’un compère le diable, qui peut changer des ardoises en piastres d’Espagne… Ici, toi, Tony Allume-Fagots, papiste, puritain, hypocrite, ladre, débauché, diable, assemblage de tous les péchés humains, incline-toi, et révère celui qui a amené dans ta maison le Mammon que tu adores.

— Au nom de Dieu, dit Foster, parle bas. Viens dans la maison, tu auras du vin et tout ce que tu voudras.

— Non, vieux chenapan, j’en veux ici, criait le misérable ivrogne, ici, al fresco, comme font les Italiens. Non, non, je ne veux