Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/256

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térité que s’il eût fait ce métier toute sa vie. Il est vrai que dans le cours de sa vie aventureuse il n’avait pas été sans l’exercer quelquefois : aussi faisait-il valoir ses marchandises avec toute la volubilité d’un marchand de profession, et montrait-il quelque habileté dans le grand art d’en fixer le prix.

« De quoi j’ai besoin ? dit la dame ; comme depuis six grands mois je n’ai pas acheté une aune de linon ou de batiste, ni même le moindre colifichet pour mon propre usage et à mon choix, il y a une question plus simple : Qu’as-tu à vendre ? Mets-moi de côté cette fraise et ces manches de batiste ; ces tours de gorge de franges d’or garnis de crêpe, ce petit manteau de joli drap couleur de cerise, garni de boutons d’or et de ganses d’or… N’est-il pas d’un goût parfait, Jenny ?

— Eh bien, madame, répondit la jeune fille, puisque vous consultez mon pauvre jugement, je vous dirai qu’il est trop recherché pour être de bon goût.

— Garde ton jugement pour toi, ma pauvre amie, s’il n’est pas plus fin ; tu porteras ce manteau pour ta peine, et comme les boutons d’or sont un peu massifs, je te garantis qu’ils disposeront ton père à l’indulgence et le réconcilieront avec la couleur de cerise de l’étoffe. Seulement prends garde qu’il ne mette la main dessus, et qu’il ne les envoie faire compagnie aux écus qu’il tient en prison dans son coffre-fort.

— Oserais-je vous prier, madame, d’épargner mon pauvre père ? dit Jeannette.

— Pourquoi épargnerait-on un homme qui est de sa nature si disposé à l’épargne ? répondit la dame ; mais revenons à nos marchandises. Cette garniture de tête et cette aiguille en argent ornée de perles sont pour moi ; prends, Jeannette, deux robes de cette étoffe brune pour Dorcas et Alison, afin de mettre ces pauvres vieilles à l’abri du froid de l’hiver prochain… Mais, dis-moi, n’as-tu pas des parfums et des sachets de senteurs, ou quelques jolis flacons à la dernière mode ?

— Si j’étais colporteur tout de bon, ma fortune serait en bon train, » pensa Wayland, comme il s’occupait à répondre aux demandes que la comtesse accumulait les unes sur les autres, avec l’empressement d’une jeune femme qui a été long-temps privée d’un passe-temps aussi agréable. « Mais comment l’amener, pour un moment, à de sérieuses réflexions ? » Alors, en lui montrant ce qu’il avait de mieux en fait de parfums, il fixa tout d’un coup son atten-