Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/249

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— À ta santé, Michel, et de tout mon cœur, dit le mercier, et tu peux aussi dire au vrai quelles sont les nouvelles modes. Il y avait tout à l’heure ici un coquin de colporteur qui mettait les bas d’Espagne, ces bas passés de mode, au-dessus de ceux de Gascogne ; tu vois cependant comme le bas français fait bien sur la jambe et le genou, orné comme il l’est de jarretières bariolées et d’une garniture assortie.

— Parfait ! parfait ! répondit Lambourne : d’honneur, ta cuisse en manière de bâton, au milieu de cette touffe de bougran tailladé et de gaze de soie, ne ressemble pas mal à la quenouille d’une ménagère dont le lin est à moitié filé.

— Ne l’ai-je pas dit ? » s’écria le mercier, dont la pauvre cervelle était à son tour inondée par le vin. « Où est donc ce drôle de colporteur ? Il y avait, il me semble, un colporteur ici tout à l’heure. Mon hôte, où diable est allé ce colporteur ?

— Où tout homme sage devrait être, monsieur Goldthred ; il est renfermé dans sa chambre, faisant le compte de ses ventes d’aujourd’hui, et se préparant pour sa journée de demain.

— Au diable soit le rustaud ! dit le mercier. Ce serait vraiment une bonne action de le soulager de ses marchandises ; c’est un de ces mauvais porte-balle qui rôdent dans le pays et font tort aux marchands établis. Il y a encore de bons garçons dans le Berkshire, mon hôte, et votre colporteur peut être rencontré d’ici à Meiden-Castle.

— Oui, » reprit l’aubergiste en riant, « et celui qui le rencontrera pourra bien trouver son homme… c’est un gaillard de taille que le colporteur.

— Vraiment ? dit Goldthred.

— Oui, vraiment, répondit l’hôte ; et je gagerais que c’est le colporteur qui rossa si vigoureusement Robin Hood, comme dit la chanson :

« Robin Hood prit l’épée en main
Et le colporteur sa flamberge,
Et Robin Hood, près de l’auberge,
Fut si rossé par le matin,
Qu’il ne pouvait plus voir ni suivre son chemin. »

— Au diable soit le belître ! alors qu’on le laisser passer ; s’il est ce que vous dites, il n’y a rien de bon à gagner avec lui. Maintenant, dis-moi, honnête Michel, comment te va la toile de Hollande que tu m’as gagnée ?