Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’indemniser de la perte de son manteau. Venez, Paget, allons voir quel usage il en a fait ; car, autant que j’ai pu en juger, il a l’esprit merveilleusement fin. »

Elles se dirigèrent vers ce point, aux environs duquel rôdait encore le jeune cavalier, comme l’oiseleur veille sur le filet qu’il a tendu. La reine s’approcha de la fenêtre sur laquelle Raleigh avait gravé, au moyen du diamant qu’elle lui avait donné, le vers suivant :

Je voudrais bien monter, mais je crains de tomber.

La reine sourit et lut deux fois ce vers, la première de moitié avec lady Paget, la seconde à part elle. « C’est un joli commencement, » dit-elle après un moment de réflexion ; « mais il me semble que le jeune poète a été abandonné de sa muse à son début. Ce serait une bonne œuvre, n’est-ce pas, d’achever sa tâche ? Allons, lady Paget, essayez vos talents poétiques. »

Lady Paget, prosaïque dès son berceau autant que le fut jamais femme de la suite d’une reine avant ou depuis elle, déclara qu’il lui était de toute impossibilité d’assister le jeune poète.

— Eh bien donc ! dit Élisabeth, ce sera à nous de sacrifier aux muses.

— Nul encens ne peut leur être plus agréable, dit lady Paget, et Votre Majesté méritera ainsi la reconnaissance du Parnasse.

— Chut ! Paget, reprit la reine, votre langage sacrilège est un outrage aux neuf sœurs ; cependant, vierges elles-mêmes, elles devraient être favorables à une reine-vierge… Mais relisons son vers :

Je voudrais bien monter, mais je crains de tomber.


Ne pourrait-on pas, faute de mieux, répondre ainsi :

Si tu manques de cœur, renonce à t’élever ? »

La dame d’honneur poussa une exclamation de joie et de surprise en voyant la reine s’en tirer si heureusement, et certainement on a applaudi de plus mauvais vers, quoique venant d’un auteur moins illustre.

La reine, encouragée par ces marques d’approbation, prit une bague à diamant : « Le jeune homme, dit-elle en même temps, sera bien étonné quand il trouvera son distique achevé sans qu’il s’en soit mêlé. » Puis elle écrivit son vers au dessous de celui de Raleigh.

La reine quitta ensuite le pavillon. Comme elle se retirait lente-