Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/160

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Il accompagna ses paroles du fait, et en moins d’une minute, en relevant ses moustaches et sa chevelure, il parut un tout autre homme. Cependant Tressilian hésitait encore à accepter ses services, et l’artiste n’en devenait que plus pressant.

« Je vous dois la vie et mes membres, dit-il, et je désire d’autant plus vous payer une partie de cette dette, que j’ai appris de Will Badger dans quelle dangereuse entreprise vous êtes engagé. Je ne prétends pas à la réputation de brave, et ne suis pas un de ces fiers-à-bras qui soutiennent les querelles de leur maître avec l’épée et le bouclier. Loin de là ; je suis un de ces hommes qui aiment mieux la fin d’un repas que le commencement d’une dispute. Mais je sais que je puis servir Votre Honneur, dans la position où vous vous trouvez, mieux qu’aucun de ces spadassins, et ma tête vaut cent de leurs bras. »

Tressilian hésitait encore. Il connaissait peu cet étrange personnage, et il ne savait pas jusqu’à quel point il pouvait lui accorder la confiance nécessaire pour en faire un serviteur utile dans la circonstance actuelle. Avant qu’il eût pris une détermination, le pas d’un cheval se fit entendre dans la cour, et M. Mumblazen et Will Badger entrèrent à la hâte dans la chambre de Tressilian, parlant tous les deux à la fois.

« Il vient d’arriver un domestique sur le plus joli cheval gris que j’aie vu de ma vie, » dit Will Badger qui parvint à se faire entendre le premier ; « il porte au bras, dit M. Mumblazen, une plaque d’argent sur laquelle est un dragon tenant un briqueton dans sa gueule, surmonté d’une couronne de comte, et il tenait à la main cette lettre scellée des mêmes armes. »

Tressilian prit la lettre qui portait pour adresse : À l’honorable M. Edmond Tressilian, notre cher parent ; et au bas : À cheval… à cheval… sur ta vie… sur ta vie… l’ouvrit, et il lut ce qui suit :

« Monsieur Tressilian, notre bon ami et cousin,

« Nous sommes en ce moment si mal portant, et d’ailleurs dans de si fâcheuses circonstances, que nous désirons réunir autour de nous tous ceux de nos amis sur l’affection desquels nous pouvons le plus particulièrement compter, et parmi lesquels nous mettons en première ligne M. Tressilian, tant pour son dévouement que pour son habileté. Nous vous prions donc de venir, le plus promptement qu’il vous sera possible, nous trouver à notre pauvre résidence de Say’s-Court, où nous parlerons plus longuement d’af-