Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heures après son retour à Lidcote-Hall ; mais un point essentiel avait été oublié, et ce fut M. Mumblazen qui, le premier, le rappela à Tressilian. « Puisque vous allez à la cour, dit-il, rappelez-vous, monsieur Tressilian, que vos armoiries doivent être argent et or. » La remarque était aussi juste qu’embarrassante. Pour suivre une affaire à la cour, l’argent comptant était aussi indispensable dans les beaux jours d’Élisabeth qu’à aucune époque postérieure ; et c’était une ressource dont les habitants de Lidcote-Hall pouvaient n’être guère pourvus. Tressilian par lui-même était pauvre ; les revenus du bon sir Hugh Robsart étaient dépensés et même mangés à l’avance, grâce à la manière large dont il exerçait l’hospitalité, il devint donc nécessaire que l’amateur de blason qui avait soulevé la question se chargeât de la résoudre. C’est ce qu’il fit. M. Mumblazen présenta à Tressilian une bourse contenant environ trois cents livres sterling en monnaies d’or et d’argent à diverses effigies, ses épargnes de vingt années, et qu’il sacrifiait maintenant, sans dire mot, au service de celui dont l’aide et la protection lui avaient donné les moyens d’amasser ce petit trésor. Tressilian l’accepta sans affecter la moindre hésitation, et un serrement de main fut la seule manifestation du plaisir qu’ils ressentaient, l’un à consacrer pour un pareil objet tout ce qu’il possédait, l’autre en voyant un obstacle aussi sérieux à son voyage levé d’une manière si soudaine et si inattendue.

Tandis que Tressilian faisait ses préparatifs pour partir le lendemain matin, Wayland Smith exprima le désir de lui parler ; et après lui avoir dit qu’il conservait l’espoir qu’il avait été satisfait de la manière dont avait opéré la potion qu’il s’était empressé de donner à sir Hugh, il ajouta qu’il désirait l’accompagner à la cour. C’était une chose à laquelle Tressilian avait déjà pensé ; car l’adresse, l’intelligence et la variété de ressources qu’avait montrées cet homme pendant le peu de temps qu’ils avaient voyagé ensemble, lui avaient fait sentir que son assistance pouvait lui être fort utile. Mais Wayland était sous le coup de la loi, et Tressilian le lui rappela en lui disant quelque chose des pinces de Pinniewinks et du mandat d’arrêt du juge Blindas. Wayland en rit de pitié.

« Voyez-vous, monsieur, dit-il, j’ai changé mon costume de maréchal contre celui de domestique ; mais ne l’eussé-je pas fait, regardez mes moustaches : elles pendent maintenant ; je les relèverai et les teindrai avec une composition à moi connue, et le diable lui-même aurait de la peine à me reconnaître. »