Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/155

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— C’est en quoi j’ai besoin que vous m’aidiez, mes amis, dit Tressilian : je suis résolu à accuser, au pied du trône même, ce misérable, de trahison, de séduction, et de violation des lois de l’hospitalité. La reine m’écoutera, quand même le comte de Leicester, le protecteur de ce scélérat, serait à sa droite.

— Sa Majesté, dit le ministre, a donné un bel exemple de continence à ses sujets, et certainement elle fera justice du perfide ravisseur. Mais ne feriez-vous pas mieux de vous adresser d’abord au comte de Leicester pour lui demander justice de son serviteur ? S’il vous l’accorde, vous évitez de vous faire un ennemi puissant, ce qui arrivera infailliblement si vous commencez par accuser devant la reine son écuyer et le plus cher de ses favoris.

— Mon âme se révolte contre un tel avis, dit Tressilian ; je ne puis supporter l’idée de plaider la cause de mon noble protecteur, celle de la malheureuse Amy, devant un autre que ma souveraine légitime. Leicester, m’objecterez-vous, occupe un rang élevé, soit ; mais il n’est qu’un sujet comme nous, et ce n’est pas devant lui que je porterai ma plainte, si je puis faire mieux. Cependant je réfléchirai à ce que vous m’avez dit ; mais il me faut votre assistance pour persuader sir Hugh, afin qu’il me donne de pleins pouvoirs en cette affaire ; car ce n’est qu’en son nom que je puis parler, et non au mien. Puisqu’elle est assez changée pour aimer avec passion cet infâme courtisan, du moins faut-il qu’en l’épousant il lui donne la seule satisfaction qui soit en son pouvoir.

— Il vaudrait mieux qu’elle mourût cœlebs et sine prole, » dit Mumblazen avec plus de chaleur qu’il n’en montrait d’ordinaire, « que d’unir per pale le noble écu des Robsart avec celui d’un tel mécréant.

— Si votre but, comme il n’y a pas à en douter, dit le ministre, est de sauver, autant qu’il est possible encore, l’honneur de cette malheureuse femme, je vous répète que vous devez d’abord vous adresser au comte de Leicester. Il est maître aussi absolu dans sa maison que la reine dans son royaume ; et s’il signifie à Varney que tel est son bon plaisir, l’honneur d’Amy ne sera pas compromis aussi publiquement.

— Vous avez raison, vous avez raison, » dit Tressilian avec vivacité, « et je vous remercie de m’avoir fait voir ce que dans mon emportement je n’avais pas aperçu. Je ne pensais guère à avoir une grâce à demander à Leicester ; mais je fléchirais le genou devant l’orgueilleux Dudley, si je pouvais effacer seulement l’ombre de