Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/146

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juges en pareille matière, savent quel cas on doit faire de mes médicaments. Je vais prendre à témoin M. Tressilian, que ce n’est que la voix de la calomnie et la main de la violence qui m’ont arraché d’un endroit où je remplissais des fonctions également utiles et honorables.

— J’en suis témoin, mon ami, mais je réserve ma déposition pour un temps plus opportun ; à moins pourtant que vous ne croyiez essentiel pour votre réputation de passer par l’épreuve du feu comme votre dernière demeure ; car vous voyez que vos meilleurs amis eux-mêmes ne peuvent voir en vous qu’un sorcier.

— Que le ciel leur pardonne de confondre la science avec la magie que condamnent les lois ! Je crois qu’un homme peut être aussi habile, et même plus habile que le meilleur chirurgien qui ait jamais soigné les chevaux, sans être pour cela un sorcier.

— À Dieu ne plaise ! dit Tressilian ; mais tais-toi pour le moment, car voici l’hôte qui vient suivi d’un de ses moindres employés. »

Tout le monde dans l’auberge, sans en excepter la dame Crane elle-même, avait été tellement occupé de l’histoire de Wayland Smith et des relations de plus en plus merveilleuses qui arrivaient de tous côtés, que Crane, malgré toute l’envie qu’il avait de bien servir ses hôtes, n’avait pu obtenir d’autre assistance que celle d’un apprenti sommelier, âgé d’environ douze ans, qui s’appelait Sampson.

— Je voudrais, » dit le bonhomme à ses hôtes en mettant sur la table un flacon de vin des Canaries, et en leur promettant de leur envoyer à manger bientôt après ; « je voudrais que le diable eût emporté ma femme et tous mes domestiques, au lieu de ce Wayland qui, je le déclare, malgré tout ce qu’on peut dire, était bien moins digne de l’honneur que Satan lui a fait.

— Je suis de votre avis, mon brave, répondit Wayland Smith, et là-dessus je bois à votre santé.

— Ce n’est pas que je prétende justifier quiconque trafique avec le diable, » dit l’hôte après avoir fait raison à Wayland ; « mais c’est que… avez-vous jamais bu de meilleur vin, mes maîtres ?… mais c’est que, dis-je, il vaudrait mieux avoir affaire à une douzaine de coquins fieffés comme ce Wayland, qu’à un diable incarné qui prend possession de votre maison et de votre intérieur, de votre lit et de votre table. «

Les doléances du pauvre diable furent interrompues en ce moment par la voix aiguë de sa moitié qui l’appelait de la cuisine et qu’il