Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/144

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serais charmée de savoir à quoi ressemblait cet égrillard de démon.

— C’est en conscience ce que je ne puis vous dire, » répondit d’un ton plus respectueux le garçon d’écurie ; « car je ne l’ai jamais vu.

— Et comment as-tu fait ton affaire, dit Gaffer Grimesby, si tu ne l’as pas vu ?

— J’ai pris un maître d’école pour écrire la maladie du cheval, et je suis parti ayant pour guide le plus mauvais sujet d’enfant qu’il y ait jamais eu.

— Et que t’a-t-il donné ?… A-t-il guéri ton cheval ? » Telles furent les questions qui partirent à la fois de toutes les parties de l’assemblée.

« Comment pourrais-je vous le dire ? répondit le garçon d’écurie ; seulement cela avait une odeur et un goût (car j’ai été assez hardi pour en mettre gros comme un pois dans ma bouche), cela, dis-je, avait une odeur et un goût comme de la corne de cerf et de la Sabine mêlées avec du vinaigre ; mais jamais ces deux drogues n’ont guéri aussi promptement un cheval. Ah ! j’ai bien peur que, si Wayland est parti, nos chevaux et notre bétail ne se tirent plus aussi facilement d’affaire. »

L’orgueil du talent, qui certainement n’a pas moins d’influence sur l’homme que tout autre orgueil, agit en cette occasion si puissamment sur Wayland que, malgré le danger qu’il y avait pour lui à se faire reconnaître, il ne put s’empêcher de lancer à Tressilian un coup d’œil d’intelligence accompagné d’un sourire mystérieux où éclatait sa joie de voir sa science vétérinaire reconnue d’une manière aussi évidente. Cependant la conversation continuait.

« Quoi qu’il en soit, » dit un grave personnage vêtu de noir, qui était avec Gaffer Grimesby, « il vaut mieux que nous périssions du mal que Dieu nous envoie que d’avoir le diable pour médecin.

— C’est fort juste, dit dame Crane, et je m’étonne que Jack expose son âme pour la guérison d’un cheval.

— Vous avez raison, madame ; mais le cheval était à mon maître, et, s’il avait été à vous, je crois que vous ne m’eussiez guère ménagé si j’avais fait mine d’avoir peur du diable lorsque le pauvre animal était dans un pareil état. Au reste, c’est l’affaire du clergé, chacun a sa besogne, dit le proverbe : le ministre a son livre de prières, et le palefrenier a son étrille.

— Il faut en convenir, dit dame Crane, Jack parle en bon chrétien et en fidèle serviteur qui n’épargne ni corps ni âme pour le ser-