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cette fantaisie. Mais pressons nos chevaux, car la détonnation va faire accourir tout le peuple de ce côté. »

En disant cela, il donna de l’éperon à sa monture, et Tressilian ayant aussi poussé la sienne, ils avancèrent en toute hâte.

« Voilà donc le tour que nous promettait ce petit lutin ! dit Tressilian ; pour peu que nous nous fussions arrêtés près de la caverne, nous étions victimes de cette gentillesse.

— Il nous aurait prévenus, dit Wayland ; je l’ai vu se retourner plusieurs fois, pour voir si nous nous éloignions : c’est un diable pour la malice, et pourtant ce n’est pas un méchant diable. Il serait trop long de vous raconter comment j’ai fait sa connaissance, et combien de tours il m’a joués. Il m’a aussi rendu bien des services, surtout en m’amenant des pratiques ; car c’était pour lui un grand plaisir de les voir trembler de peur, derrière le buisson, lorsqu’ils entendaient le bruit du marteau. Je crois que dame Nature en mettant une double dose de cervelle dans cette tête grotesquement construite, lui a donné la faculté de s’égayer des malheurs des autres, comme elle a ménagé à ceux-ci le plaisir de rire de sa laideur.

— Cela peut bien être, dit Tressilian ; ceux qui se trouvent en dehors de la société par la bizarrerie de leur extérieur, s’ils ne haïssent pas le reste de l’humanité, sont du moins disposés à se divertir des malheurs et des afflictions d’autrui.

— Mais Flibbertigibbet, reprit Wayland, a des qualités qui rachètent son penchant à la malice ; car il est aussi fidèle dans ses attachements qu’il est mauvais pour les étrangers ; j’ai, comme je vous l’ai dit, de bonnes raisons pour parler ainsi. »

Tressilian ne poussa pas plus loin la conversation, et ils continuèrent leur route vers le Devonshire, sans autre accident jusqu’au moment où ils descendirent dans une hôtellerie de Marlborough, ville célèbre depuis pour avoir donné son nom au plus grand capitaine, excepté un[1], que l’Angleterre ait jamais produit. Là nos deux voyageurs purent se convaincre par eux-mêmes de la vérité de deux proverbes, savoir : « que les mauvaises nouvelles ont des ailes, » et « que ceux qui écoutent aux portes entendent rarement dire du bien d’eux. »

La cour de l’auberge où ils s’arrêtèrent était dans une sorte de combustion, si bien qu’ils eurent de la peine à trouver un homme ou un enfant pour prendre soin de leurs chevaux, tant les gens de la maison étaient occupés de nouvelles qui passaient de bouche en

  1. Wellington. a. m.