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dant ce temps-là, votre cheval fera un meilleur repas que celui qu’on lui a fait faire ce matin, ce qui le rendra plus propre à continuer sa route. »

À ces mots l’artiste quitta le caveau, où il rentra quelques minutes après. Nous aussi nous ferons ici une pause pour faire commencer le récit au chapitre suivant.




CHAPITRE XI.

SUITE DU RÉCIT.


Je dis que mon maître est si adroit (mais vous n’apprendrez pas de moi tout ce qu’il a fait de tours, et la part que j’ai prise à ses travaux) que tout le sol sur lequel nous cheminons pour arriver à la ville de Cantorbéry, il peut le retourner sens dessus dessous, et le paver d’or et d’argent.
Le prologue du Yeoman du Chanoine, conte de Cantorbéry, par Chaucer.


L’artiste reprit son récit ainsi qu’il suit :

« J’appris de bonne heure le métier de maréchal, et je connaissais mon art aussi bien qu’aucun compagnon au tablier de cuir et au visage noirci. Mais je me lassai de faire résonner le marteau sur l’enclume, et me lançai dans le monde, où je fis la connaissance d’un célèbre jongleur qui, s’étant aperçu que ses doigts étaient devenus trop roides pour les tours de passe-passe, désirait avoir un aide ou apprenti. Je le servis pendant six ans, et je devins passé maître dans cette nouvelle profession. Je m’en rapporte à Votre Honneur, dont le jugement ne peut être révoqué en doute : ne faisais-je pas les tours de gibecière avec quelque adresse ?

— Parfaitement, répondit Tressilian ; mais soyez bref.

— Peu de temps après que j’eus donné mes représentations chez sir Hugh Hobsart, en votre présence, j’embrassai la carrière du théâtre, et j’avais figuré bravement avec les plus fameux acteurs, au Taureau-Noir, au Globe, à la Fortune et dans les autres théâtres ; mais je ne sais comment… les pommes furent si abondantes cette année, que les spectateurs des galeries à deux pences n’en mangeaient jamais qu’une bouchée et jetaient le reste à l’acteur qui se trouvait en scène. Cela me dégoûta du métier ; je renonçai à ma