Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/108

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— Mon bon monsieur Tressilian, dit l’hôte, je ne suis qu’un pauvre aubergiste peu propre à donner des conseils à une personne de votre rang ; mais aussi sûrement que j’ai fait loyalement mon chemin dans le monde, en donnant toujours bonne mesure et ne présentant que des mémoires raisonnables, je suis un honnête homme ; et sous ce rapport, si je ne suis pas en état de vous assister, du moins je suis incapable d’abuser de votre confiance. Parlez-moi donc avec autant de confiance que vous le feriez à votre père, et soyez convaincu que ma curiosité, car, je ne le nie pas, c’est un des attributs de mon état, est accompagnée d’une dose suffisante de discrétion.

— Je n’en doute pas, mon hôte, » répondit Tressilian ; et, tandis que son auditeur attendait avec impatience, il réfléchit un instant comment il commencerait son récit… « Mon histoire, dit-il enfin, ne saurait être intelligible, si je ne prends les choses d’un peu loin. Vous avez entendu parler de la bataille de Stoke, mon hôte, et peut-être aussi du vieux sir Roger Robsart qui, dans cette bataille, combattit vaillamment pour Henri VII, grand-père de la reine, et mit en déroute le comte de Lincoln, lord Géraldin et ses sauvages Irlandais, et les Flamands que la duchesse de Bourgogne avait envoyés pour soutenir la querelle de Lambert Simnel ?

— Je me souviens de l’une et de l’autre, dit Giles Gosling ; on chante cette affaire une douzaine de fois par semaine dans ma salle d’en-bas. Sir Robert Robsart de Devon… ah ! oui, c’est bien de lui que les ménestrels chantent aujourd’hui :

Des champs de Stoke il fut l’honneur
Quand Swart y mordit la poussière :
Jamais on ne le vit reculer à la guerre ;
Mais plus ferme qu’un roc, il combattait sans peur.


Oui, et j’ai même entendu mon grand-père parler de ce Martin Swart et des faquins d’Allemands qu’il commandait, avec leurs pourpoints tailladés et leurs hauts-de-chausses élégants garnis de rubans jusqu’aux talons. Il y a aussi une chanson sur Martin Swart, et tout ce que je m’en rappelle, c’est ceci :

Martin Swart et ses soldats,
Chargez-les avec adresse ;
Martin Swart hâte le pas,
Prenez garde à sa vitesse.

— C’est vrai, mon hôte, on en a long-temps parlé. Mais si vous