Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’acier, sauta sur-le-champ à bas de son lit et saisit son épée ; mais comme il allait la tirer, il en fut détourné par une voix qui lui dit : « Ne soyez pas si prompt à dégainer, monsieur Tressilian ; c’est moi, Giles Gosling, votre hôte. »

En même temps, ouvrant la lanterne sourde, qui jusque-là n’avait répandu qu’une faible lueur, il fit voir à Tressilian étonné la figure réjouie de l’aubergiste de l’Ours-Noir.

« Quelle est cette folie, mon hôte ? dit Tressilian ; avez-vous soupe aussi gaîment qu’hier soir et vous trompez-vous de chambre ? ou bien minuit est-il l’heure que vous choisissez pour mystifier vos hôtes dans leur logement ?

— Monsieur Tressilian, répondit mon hôte, je connais le lieu et l’heure aussi bien qu’aucun aubergiste de l’Angleterre. Mais d’abord mon drôle de neveu vous a guetté tout le jour aussi attentivement qu’un chat guette une souris. Ensuite vous vous êtes querellé et battu ou avec lui, ou avec un autre, et je crains qu’il n’en résulte quelque danger pour vous.

— Vous êtes fou, mon hôte, dit Tressilian ; votre neveu est au dessous de mon ressentiment ; et puis, quelle raison avez-vous de croire que j’aie eu une querelle avec lui ou avec un autre ?

— Oh ! monsieur, répliqua l’aubergiste, il y avait sur vos joues une rougeur qui annonçait que vous veniez d’avoir une rixe, aussi sûrement que la conjonction de Mars et de Saturne présage des malheurs ; et quand vous êtes revenu, les boucles de votre ceinture étaient dérangées, votre pas était précipité ; tout enfin prouvait que votre main et la poignée de votre épée venaient de se voir de près.

— Eh bien ! mon hôte, quand j’aurais été obligé de mettre l’épée à la main, pourquoi cet événement vous ferait-il quitter votre lit à l’heure qu’il est ? Vous voyez que l’affaire est terminée.

— Avec votre permission, c’est ce dont je doute. Antony Foster est un homme dangereux ; il est protégé par un personnage puissant à la cour, qui l’a tiré d’embarras dans des affaires de grande conséquence. Et puis, mon neveu… je vous ai dit ce qu’il est ; et si ces deux mauvais drôles ont renouvelé leur ancienne connaissance, je ne voudrais pas, mon digne ami, que ce fût à vos dépens. Je vous préviens que Lambourne a fait au garçon d’écurie des questions très détaillées sur l’époque de votre départ et le chemin que vous deviez suivre. Or, je voudrais que vous réfléchissiez si vous n’avez rien fait ou dit qui vous ait compromis ou qui ait donné prise sur vous à la méchanceté.