Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/450

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et condamnée, votre sort sera résolu quand vous quitterez le rivage… Reine d’Écosse, tu n’abandonneras pas ainsi ton héritage ! » continua-t-il en la retenant encore par son manteau ; « tes fidèles sujets seront rebelles à tes volontés, afin de te pouvoir soustraire à l’esclavage et à la mort. Ne redoutez ni les lances, ni les arcs de cet homme ; nous les repousserons de force. Oh ! pourquoi n’ai-je pas les armes de mon vaillant frère ? Roland d’Avenel, mets l’épée à la main ! »

La reine s’arrêta, irrésolue et effrayée, un pied sur la planche et l’autre sur le sable de son rivage natal, qu’elle allait quitter pour toujours.

« Il n’est pas besoin de violence, seigneur prêtre ! dit le shériff de Cumberland ; je suis venu ici à la prière de votre reine pour lui rendre service, et je partirai à son moindre mot si elle rejette le secours que je peux lui offrir. Ce n’est point une merveille que la sagesse de notre reine ait pu prévoir un semblable événement au milieu des troubles d’un état mal affermi ; et que, tout en voulant offrir l’hospitalité à sa royale sœur, elle croit prudent de défendre l’entrée des frontières anglaises à des armées débandées de partisans écossais.

— Vous entendez, dit la reine Marie, dégageant doucement sa robe de la main de l’abbé ; c’est de notre pleine volonté que nous quittons ce rivage, et sans doute il nous sera fibre d’aller en France ou de retourner dans nos domaines, ainsi que nous le déterminerons… En outre, il est trop tard… Donnez-moi votre bénédiction, mon père, et que Dieu répande la sienne sur vous !

— Puisse-t-il avoir pitié de toi et te l’accorder aussi, dit l’abbé en se retirant. Mais mon cœur me dit que je te vois pour la dernière fois ! »

Les voiles furent déployées, et l’esquif traversa légèrement le bras de mer qui se trouve entre les bords du Cumberland et ceux de Galloway. Mais jusqu’à ce qu’il eût disparu à leurs yeux, les compagnons de la reine, inquiets, tristes et abandonnés, ne cessèrent de rester sur le rivage ; et long-temps ils purent distinguer le mouchoir que Marie agitait comme le signe souvent répété de l’adieu qu’elle faisait à ses fidèles sujets et aux rivages de l’Écosse.