Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/441

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à Roland le devoir que cet accident lui avait un moment fait oublier, mais d’autres oreilles que les siennes les avaient entendues.

« La reine ! où est la reine ? » dit Halbert Glendinning, qui, suivi de deux ou trois cavaliers, parut au même instant. Roland sans répondre tourna la bride de son cheval, et se fiant à sa vitesse et à ses éperons, se dirigea au galop vers le château de Crookstone, franchissant les collines et les vallées. Plus pesamment armé, et monté sur un cheval moins léger, sir Halbert Glendinning le poursuivait la lance dans les reins, en lui criant : « Chevalier à la branche de houx, fais halte, et montre que tu as des droits à porter ce signe verdoyant : ne fuis pas comme un lâche, et ne déshonore pas cette marque des braves. Halte, poltron ! ou, par le ciel, je te traverserai le dos de ma lance, et je t’arracherai la vie comme à un lâche que tu es. Je suis le chevalier d’Avenel, je suis Halbert Glendinning. »

Mais Roland, qui n’avait nulle envie de se mesurer avec son ancien maître, et qui, d’un autre côté, savait bien que la sûreté de la reine dépendait de la diligence qu’il ferait, ne répliqua point un mot au défi et aux injures dont sir Halbert ne cessait de le poursuivre, mais, faisant plus que jamais usage de ses éperons, il fuyait avec plus de vitesse qu’auparavant, et avait gagné plus d’une centaine de pas sur Halbert, quand, arrivant près de l’if où il avait laissé la reine, il vit que sa garde était prête à monter à cheval, alors il cria autant qu’il avait de voix : « L’ennemi ! l’ennemi ! à cheval, belles dames, à cheval ! braves gentilshommes, faites votre devoir. »

Il parlait encore, que, tournant rapidement la bride de son cheval, et évitant le choc de sir Halbert Glendinning, il chargea l’un de ses hommes d’armes qui était le plus proche, avec tant d’impétuosité que d’un coup de lance il renversa le cavalier et le cheval ; alors, tirant son épée, il attaqua le second. Cependant le chevalier noir se précipita au-devant de Glendinning, et tous les deux se jetèrent l’un sur l’autre avec tant de furie que les chevaux furent renversés et que leurs cavaliers roulèrent sur la pelouse. Ni l’un ni l’autre ne se releva, car le chevalier noir avait le corps traversé par la lance de Glendinning, et le chevalier d’Avenel, écrasé sous le poids de son propre cheval et meurtri de sa chute, semblait être dans un pire état que celui-là même qu’il venait de blesser à mort.

« Rends-toi, chevalier d’Avenel, bon gré, mal gré, » dit Roland