Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/437

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Crookstone lui avait fait éprouver : « arbre superbe et majestueux, tu es encore aussi verdoyant et aussi majestueux qu’autrefois, quoique, au lieu de serments d’amour, tu entendes le bruit de la guerre. Tout a trouvé sa fin depuis la dernière fois que je te saluai… amour et amant… serments et celui qui les faisait… roi et royaume… Eh bien ! que voyez-vous du combat, seigneur abbé ? Nous avons le dessus, j’espère… Cependant de cet endroit les yeux de Marie ne peuvent être témoins que de malheurs ! »

Tous avaient les regards fixés sur le champ de bataille ; mais ils ne pouvaient rien découvrir, si ce n’est que l’affaire se poursuivait avec acharnement. Les petits enclos et les jardins des chaumières du village, qu’ils pouvaient distinguer parfaitement, avec leurs allées de sycomores et de frênes, beaux et tranquilles à la douce clarté du soleil de mai, étaient alors couverts d’une ligne de feu et d’un dôme de fumée ; et le bruit constant de la mousqueterie et du canon, mêlé aux cris des combattants qui se heurtaient, prouvait qu’aucun des deux partis n’avait cédé le terrain.

« Sous les coups de ces affreux tonnerres, dit l’abbé, une foule d’amis partent pour leur séjour éternel, pour le ciel ou l’enfer. Pendant ce terrible combat, que ceux qui croient à la sainte Église supplient avec moi le Très-Haut d’accorder la victoire au bon droit.

— Pas ici… pas ici ! » dit la malheureuse reine ; « je vous en conjure ; pas ici, mon père, ou priez en silence… Ici le passé et le présent se disputent trop mon âme pour que j’ose approcher du trône de Dieu… Ou si vous voulez prier, que ce soit pour une infortunée dont les plus tendres affections ont fait les plus grands crimes, et qui n’a cessé d’être reine que parce qu’elle fut sensible et qu’elle fut trompée.

— Ne serait-il pas bien, demanda Roland, que j’allasse faire un tour du côté du champ de bataille pour savoir le sort du combat ?

— Courez-y, au nom de Dieu, dit l’abbé ; car, si nos amis sont dispersés, nous devons nous hâter de fuir… mais prenez garde de ne pas trop approcher du lieu du danger, plus d’une vie dépend de votre retour.

— Oh ! ne vous hasardez pas trop, ajouta Catherine, et ne manquez pas de voir comment se battent les Seyton, et quelle est leur fortune !

— Ne craignez rien, je serai sur mes gardes, dit Roland d’Avenel ; » et, sans attendre de réponse, il courut vers le lieu du