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sur ses chefs assemblés, regretta de ne pas y trouver Douglas et Roland Græme, et les demanda tout bas à Catherine Seyton.

« Ils sont dans l’oratoire, madame, et paraissent assez tristes, » dit Catherine ; et la reine observa que les yeux de sa favorite étaient rouges et humides de pleurs.

« Ceci ne doit pas être, reprit la reine. Amusez la compagnie, et j’irai les chercher pour les y introduire. »

Elle alla dans l’oratoire, où elle rencontra d’abord George Douglas qui était debout, ou plutôt incliné dans l’embrasure d’une fenêtre, le dos appuyé contre la muraille, et les bras croisés sur la poitrine. À la vue de la reine, il tressaillit, et pendant un instant l’expression du ravissement se peignit sur sa figure, qui reprit aussitôt sa profonde mélancolie.

« Que signifie tout cela ? dit la reine ; Douglas, pourquoi la premier auteur de notre délivrance, celui qui est parvenu si heureusement ci nous mettre en liberté, évite-t-il ses nobles compagnons et la souveraine à laquelle il vient de rendre un service si éminent ?

— Madame, répliqua Douglas, ceux que vous honorez de votre présence ont des soldats pour soutenir votre cause, de l’or pour, maintenir votre rang… peuvent vous offrir des salons pour vous recevoir et des châteaux forts pour vous défendre. Je suis sans vassaux, sans terre… déshérité par mon père et accablé de sa malédiction… renié par mes parents ; je ne puis rien porter sous votre étendard qu’une simple épée et ma misérable vie.

— Prétendez-vous me faire un reproche, Douglas, en m’étalant ce que vous avez perdu pour me servir ?

— Dieu m’en préserve, madame ! » interrompit le jeune homme avec vivacité ; si c’était encore à faire, et si j’avais dix fois plus de titres et de richesse, et vingt fois plus d’amis à perdre, mes pertes seraient bien payées par le premier pas que vous auriez fait en liberté sur le sol de votre royaume.

— Et qu’avez-vous donc pour ne pas venir partager la joie qu’inspire à tous un événement si heureux ?

— Madame, quoique déshérité et répudié, je suis encore un Douglas, et beaucoup de ces nobles sont en guerre avec ma famille depuis des siècles ; une froide réception de leur part serait une insulte, et un accueil amical une humiliation.

— Fi donc, fi, Douglas, répondit la reine, éloignez cette sombre tristesse ! je puis vous rendre l’égal du plus illustre d’entre