Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/397

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— Hélas ! il n’y a pas que mon frère au monde. Vous ne voulez vous rappeler que les circonstances singulières qui nous ont mis ensemble sur ce pied de familiarité, et presque d’intimité. Vous ne pensez pas que, lorsque je retournerai dans la maison de mon père, il se trouvera entre nous deux un gouffre que vous ne pourrez franchir sans craindre d’y perdre la vie. Votre seule parente connue est au moins une femme bien bizarre : elle sort d’un clan ennemi et détruit : le reste de vos parents est ignoré… Excusez-moi, si je vous dis ce qui est une vérité incontestable.

— L’amour, ma charmante Catherine, méprise les généalogies, répond Roland Græme.

— L’amour le peut, mais lord Seyton ne pense pas ainsi.

— La reine, votre maîtresse et la mienne, parlera en ma faveur. Oh ! ne m’éloignez pas de vous à l’instant où je me crois si heureux ! si j’aide à rendre la liberté à notre souveraine, ne m’avez-vous pas dit vous-même que toutes deux vous deviendriez mes débitrices ?

— Ah ! toute l’Écosse deviendra votre débitrice ; mais pour les effets que ma reconnaissance doit vous faire espérer, il faut vous rappeler que je dépends entièrement de mon père ; et la pauvre reine sera, pendant long-temps, plus dépendante du caprice de ses nobles et des gens de son parti que maîtresse de contrôler leurs actions,

— Soit ! mes actions me mettront au-dessus du préjugé lui-même : nous vivons dans un temps où un homme peut s’élever par son seul mérite ; et j’y parviendrai comme tant d’autres. Le chevalier d’Avenel, tout puissant qu’il est, sort d’une origine aussi obscure que la mienne.

— Fort bien ! c’est ainsi que s’exprime un chevalier de roman qui veut se frayer un passage vers sa princesse emprisonnée, au milieu des fées et des dragons vomissant feux et flammes.

— Mais si je puis en effet délivrer la princesse, sur qui, chère Catherine, se fixera son choix ?

— Délivrez-la d’abord, et elle vous le dira, » répliqua miss Seyton ; et rompant tout à coup la conversation, elle rejoignit la reine avec tant de vitesse, que Marie s’écria à mi-voix :

« Plus de nouvelles de mauvais augure… point de dissension, j’espère, dans ma pauvre maison ? » Ensuite regardant les joues rougissantes de Catherine, et l’œil brillant et expressif de Roland : « Non, non, dit-elle y je vois que tout est bien… Mignonne,