Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/394

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ajouta : « Adieu, madame ; portez-vous bien, jusqu’à l’heure du couvre-feu : alors je vous paraîtrai peut-être plus hardie qu’agréable en assistant à votre souper. Suivez-moi, Randal, et racontez-moi plus au long cette cruelle catastrophe. »

« C’est un événement extraordinaire, » dit la reine, lorsque la châtelaine fut sortie, » et tout méchant que fût cet homme, je voudrais que le ciel lui eût accordé le temps de se repentir. Nous ferons quelque chose pour le repos de son âme si jamais nous sommes remise en liberté ; pour une fois l’Église accordera cette faveur à un hérétique. Mais, dis-moi, Catherine, ma mignonne… ton frère, qui est si fringant, comme le disait cet homme, a-t-il encore avec toi autant de ressemblance que jadis ?

— Votre Majesté veut-elle parler du caractère ? Sur ce point elle peut savoir si je suis aussi fringante….

— Hé mais ! tu es assez prompte, vraiment ! mais malgré cela tu seras toujours ma chère amie. Je voulais te demander si ton frère jumeau te ressemble de traits et de figure comme jadis ? Je me rappelle que ta mère parlait de cela comme d’une raison qui devait te faire prendre le voile ; car si vous étiez tous les deux dans le monde, on mettrait sur ton compte bien des fredaines de ton frère.

— Je crois, madame, qu’il y a quelques personnes d’une simplicité peu ordinaire, qui même à présent peuvent à peine faire une distinction entre nous, particulièrement lorsque, pour se divertir, mon frère prend des habits de femme. » Et tout en parlant, elle tourna les yeux sur Roland Græme, dans l’esprit duquel cette explication venait de jeter un rayon de lumière, aussi agréable que celui qui pénètre dans le cachot d’un captif, quand la porte s’ouvre pour lui donner la liberté.

« Ce doit être un beau cavalier que ton frère s’il te ressemble ainsi. Il est resté en France pendant ces dernières années, c’est pourquoi je ne l’ai pas vu à Holy-Rood.

— On lui accorde quelques agréments extérieurs ; mais je voudrais qu’il eût moins de cet esprit hardi et obstiné qu’encouragent ces temps de troubles parmi la jeune noblesse. Dieu sait que je ne crains pas pour sa vie lorsqu’il l’expose pour la défense de Votre Majesté ; et je l’aime pour l’ardeur qu’il met à votre délivrance. Mais pourquoi se disputer avec un vieux coquin de domestique ? pourquoi souiller son nom d’une telle querelle, et ses mains du sang d’un malheureux et méprisable vieillard ?