Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/390

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— Cela ne peut être, monsieur Roland, « répondit lady Fleming, qui se rappelait parfaitement tous les changements de modes, « parce que les fartingales parurent pour la première fois quand la reine régente vint à Saint-André après la bataille de Pinkie, et alors ils portaient le nom de vertugadins. »

Elle aurait poussé plus loin cette importante discussion, mais elle fut interrompue par l’arrivée de lady Lochleven, qui marchait devant les domestiques chargés des différents plats, et qui, ensuite, remplit l’office du sénéchal en goûtant chacun des mets. Lady Fleming, en dame de la cour, témoigna son regret de ce que lady Lochleven s’était donné la peine de remplir cet emploi.

« Après l’étrange événement de ce jour, madame, repartit la dame du manoir, il est nécessaire, et pour mon honneur et pour celui de mon fils, que je partage tout ce qui est offert à mon hôte. Voulez-vous bien avoir la complaisance d’apprendre à lady Marie que j’attends ses ordres.

— Sa Majesté, » répliqua lady Fleming d’un ton emphatique, et pesant sur chaque mot, « va savoir que lady Lochleven attend ses ordres. »

Marie parut aussitôt ; et s’adressant à son hôtesse d’une manière polie, qui même approchait de la cordialité : « C’est agir noblement, lady Lochleven, dit-elle ; car bien que nous ne craignions aucun danger dans votre maison, nos dames ont été fort effrayées de l’événement de ce matin : votre présence, qui nous honore, pourra les rassurer et leur rendre leur gaieté. Veuillez prendre place. »

Lady Lochleven obéit aux ordres de la reine, et Roland remplit l’office d’écuyer tranchant, comme il avait coutume de le faire. Mais, malgré ce que la reine avait dit, le repas fut silencieux et peu agréable : tous les efforts que fit Marie pour entretenir la conversation échouèrent contre les répliques froides et sévères de lady Lochleven. Enfin il devint fort clair que la reine, qui avait considéré ces avances comme une condescendance de sa part, et qui se piquait à juste titre de son pouvoir de plaire, s’offensait de la conduite peu civile de son hôtesse. Après avoir regardé lady Fleming et Catherine d’une manière très-significative, elle haussa légèrement les épaules et garda le silence. Au bout d’un moment, lady Douglas prit la parole : « Je m’aperçois, madame, que je suis un obstacle à la gaieté de votre réunion ; je vous prie de m’excuser, je suis une veuve isolée et à qui l’on impose