Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/386

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— Songe à Dieu, Dryfesdale, s’écria George Douglas, et ne parle plus de ces horreurs ; repens-toi, si tu le peux, ou bien garde au moins le silence. Seyton, aidez-moi à soutenir ce malheureux qui se meurt, afin qu’il puisse se livrer à de meilleures pensées.

— Seyton ! répondit le mourant ; Seyton ! est-ce donc sous les coups d’un Seyton que je suis tombé ? Il y a en cela quelque compensation, car j’ai failli priver cette famille d’un de ses enfants. » Fixant ses yeux éteints sur le jeune homme, il ajouta : « Il a ses traits et son maintien ! Courbe-toi, jeune homme, je voudrais te voir de plus près, afin de te reconnaître quand nous nous rencontrerons dans l’autre monde, car les homicides y seront réunis, et je l’ai été moi-même. » Malgré quelque résistance il attira la figure de Seyton plus près de la sienne, le regarda fixement et ajouta : « Tu as commencé bien jeune, ta carrière sera de courte durée ; oui, tu seras bientôt atteint. Une jeune plante ne profite jamais lorsqu’elle a été arrosée avec le sang d’un vieillard. Cependant pourquoi te blâmerai-je ? Bizarre coup du sort ! » murmura-t-il, cessant de s’adresser à Seyton, « je me proposais de faire ce que je ne puis accomplir, et il a fait ce à quoi, sans doute, il ne songeait guère. Chose étrange ! que notre volonté prétende toujours s’opposer au torrent de l’irrésistible destinée, que nous voulions lutter contre le courant lorsqu’il doit infailliblement nous entraîner dans sa fuite ! Ma cervelle ne me servira pas davantage à méditer une telle pensée : je voudrais que Schœfferbach fût ici ; mais pourquoi ? Je suis sur un fleuve où le vaisseau peut se diriger sans pilote. Adieu, George Douglas ; je meurs fidèle à la maison de ton père. » À ces mots, il tomba dans des convulsions, et il expira peu d’instants après.

Seyton et Douglas regardaient le mourant, et lorsqu’il eut rendu le dernier soupir, Seyton fut le premier qui parla. « Par le ciel, Douglas, je n’entends rien à ceci : je suis fâché de ce qui s’est passé ; mais cet homme a mis la main sur moi, et m’a forcé de défendre ma liberté du mieux que j’ai pu avec mon poignard. S’il était dix fois ton ami et ton serviteur, je ne pourrais que dire : J’en suis fâché !

— Je ne te blâme pas, Seyton, répondit Douglas, quoique je sois affligé de son sort : il y a une destinée qui nous tient sous sa puissance, quoique ce ne soit pas dans le sens que l’entendait ce misérable, qui, abusé par quelque visionnaire étranger, se servait