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— Si j’y tenais, j’aurais eu plus soin de celle des autres. Qu’est-ce que mourir ? ce n’est que cesser de vivre… et qu’est-ce que la vie ? une fastidieuse succession de nuits et de jours, de sommeil et de réveil, de faim et de satiété. Un homme mort n’a besoin ni de chandelle ni de pot à bière, ni de feu ni de lit de plume, et la caisse du menuisier lui sert éternellement de justaucorps.

— Misérable ! ne crois-tu donc pas qu’après la mort vient le jugement ?

— Milady, vous êtes ma maîtresse, et il ne m’est pas permis de discuter avec vous. Mais, parlant spirituellement, vous êtes encore dans la captivité d’Égypte : vous ignorez la liberté des saints ; car, ainsi qu’il m’a été démontré par cet homme sanctifié, Nicolas Schœfferbach, qui fut martyrisé par le sanguinaire évêque de Munster, il ne peut pécher, celui qui exécute ce à quoi il est prédestiné, puisque…

— Silence ! » dit lady Lochleven en l’interrompant ; « ne me réponds pas par tes blasphèmes hardis et présomptueux, mais écoute-moi. Tu as été long-temps le serviteur de cette maison.

— Le serviteur né des Douglas : ils ont eu le meilleur de ma vie ; je les ai servis depuis que je quittai Lockerbie : j’avais alors dix ans, et vous pouvez bientôt y ajouter les soixante.

— Ton horrible attentat a échoué. Ainsi, tu n’es coupable qu’en intention. Il ne serait que juste de te pendre sur la tour du Guet ; et, dans l’état actuel de ton esprit, ce ne serait que livrer une âme à Satan. J’accepte donc ton offre ; pars : voici mon paquet ; je ne vais y ajouter qu’une ligne, pour que mon fils m’envoie une couple de fidèles serviteurs. Qu’il agisse envers toi ainsi qu’il lui plaira. Si tu es prudent, tu prendras la route de Lockerbie dès que ton pied touchera la terre, et tu laisseras porter le paquet par qui voudra ; seulement aie soin qu’il parvienne exactement.

— Non, madame, je suis né serviteur des Douglas, et je ne deviendrai pas un messager infidèle dans ma vieillesse. Je m’acquitterai de ma mission auprès de votre fils aussi sincèrement que s’il s’agissait du cou d’un autre. Je fais mes adieux à Votre Honneur. »

La dame donna ses ordres, et le vieillard fut conduit sur l’autre rivage pour s’acquitter de son pèlerinage extraordinaire. Le lecteur est prié de vouloir bien l’accompagner dans ce voyage qui ne fut pas de long cours : ainsi en avait décidé la Providence !

En arrivant au village, l’intendant, quoique sa disgrâce fût déjà