Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tué un breuvage innocent au poison mortel qui nous était destiné.

— À Dieu ne plaise, madame, dit lady Lochleven, que je considère comme un crime ce qui a épargné à la maison de Douglas une note infamante de trahison et d’inhospitalité ! Nous avons écrit à notre fils, concernant le délit de son vassal, et il faut qu’il subisse sa peine, qui sera sûrement la mort. Quant à cette femme, sa profession est damnable selon l’Écriture : elle est punie de mort par les sages lois de nos ancêtres. Elle aussi devra subir son arrêt.

— Et n’ai-je donc aucun droit dans le château de Lochleven, en considération du mal qu’on m’a fait si récemment dans ses murs ? je ne demande en récompense que la vie d’une femme, faible et âgée, dont le cerveau, ainsi que vous pouvez en juger vous-même, paraît affaibli par les années et les souffrances.

— Si lady Marie, reprit l’inflexible dame de Lochleven, a été menacée de quelque mal dans la maison de Douglas, on peut considérer ce moment d’alarme comme une compensation de ce que ses complots ont coûté à cette maison, l’exil d’un fils précieux.

— Ne plaidez plus pour moi, gracieuse souveraine, dit Madeleine Græme, et ne vous abaissez pas à demander seulement grâce pour un de mes cheveux gris. Je savais le risque que je courais pour mon Église et pour ma reine, et j’ai toujours été prête à donner ma pauvre vie en rançon. J’ai la consolation de penser qu’en me faisant mourir, ou en me privant de ma liberté, ou même en touchant à un seul de ces mêmes cheveux gris, cette femme, qui vante si haut l’honneur de sa maison, aura comblé la mesure de sa honte, par la violation d’un sauf-conduit revêtu des formes les plus solennelles… » Et tirant un papier de son sein, elle le présenta à la reine.

« C’est une promesse formelle de sûreté, dit la reine Marie, avec permission de venir et de repartir sous la protection du chambellan de Kinross, promesse accordée par ce fonctionnaire à Madeleine Græme, plus connue sous le nom de mère Nicneven, en considération de ce qu’elle consent à se constituer prisonnière pour l’espace de vingt-quatre heures, s’il le faut, dans le château de Lochleven.

— Misérable ! » s’écria la dame du manoir en se tournant vers le chambellan, « comment avez-vous osé prendre sur vous d’accorder sans nécessité une semblable promesse.

— Ce fut, répliqua le docteur, d’après les ordres de Votre Sei-