Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/376

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cette demeure, afin que ses portes s’ouvrent devant toi… Écoutez ceci et tremblez, vous tous qui combattez contre la lumière, car celle qui le dit l’a appris du ciel même ! »

Elle se tut, et le médecin étonné s’écria : « Si jamais de nos jours il y eut un énergumène, un démoniaque, un possédé, c’est un diable qui parle par la bouche de cette femme !

— Mensonge ! » dit la dame de Lochleven se remettant de sa surprise : « tout ceci n’est que mensonge et imposture. Qu’on entraîne ce misérable au cachot !

— Lady Lochleven, » interrompit Marie en se levant de son lit et en s’avançant avec sa dignité ordinaire, « je vous ai fait quelque tort… je vous ai crue complice de l’intention criminelle de votre vassal, et je vous ai trompée en vous laissant croire qu’elle s’était effectuée. J’ai eu tort envers vous, lady Lochleven, car je vois que votre désir de nous secourir était sincère ; nous n’avons pas goûté au breuvage, et nous ne sommes pas malades, sinon que nous languissons pour notre liberté.

— L’aveu est digne de Marie d’Écosse, dit Madeleine Græme : qu’on le sache d’ailleurs, quand même la reine aurait bu jusqu’à la dernière goutte de la liqueur, cette liqueur était innocente comme l’eau d’une source sanctifiée. Croyez-vous, femme orgueilleuse,) ajouta-t-elle en s’adressant à la dame de Lochleven, « que moi… moi… j’eusse été assez misérable pour confier du poison à un serviteur ou à un vassal de la maison de Lochleven, sachant qui cette maison contenait ? J’aurais tout aussi volontiers donné de quoi faire périr ma propre fille.

— Suis-je bravée à ce point dans mon château ! dit la dame ; qu’on la conduise à la tour. Elle subira le sort réservé aux empoisonneuses et aux sorcières.

« Écoutez-moi un instant, lady Lochleven, dit Marie ; et vous, en s’adressant à Madeleine, je vous ordonne de garder le silence. Votre intendant, milady, a, suivant sa confession, attenté à ma vie et à celle de mes serviteurs, et cette femme a fait de son mieux pour empêcher ce crime, en lui procurant une substance qui ne pouvait nuire, au lieu des drogues fatales qu’il croyait recevoir. Je crois ne vous proposer qu’un juste échange, en disant que je pardonne à votre vassal de tout mon cœur, et que je laisse la vengeance à Dieu et à sa conscience, pourvu que de votre côté vous pardonniez à cette femme sa hardiesse en votre présence ; car vous ne devez pas considérer comme un crime qu’elle ait substi-